GUSTATION
Les corrélats comportementaux de la sensation gustative
Envisagée du point de vue phylogénétique, la sensation gustative est une modalité sensorielle archaïque. Son rôle comme « guide de vie » (selon H. Piéron) est différent selon les espèces ; il est relativement restreint chez l'homme. Universelle et exercée quotidiennement, cette sensation comporte pourtant certaines caractéristiques qui doivent retenir l'attention.
Il s'agit, en premier lieu, d'une modalité sensorielle relativement pauvre, car elle ne comporte que quatre saveurs de base : salé, sucré, acide et amer. Il existerait une cinquième classe sapide, qui a été mise en évidence par des travaux physiologiques, mais dont la perception serait assez aléatoire au niveau individuel.
Deuxièmement, la sensation gustative est fonctionnelle déjà in utero (dès le quatrième mois de la gestation chez l'homme) ; elle nécessite toutefois, par la suite, un véritable apprentissage, lié en partie à la maturation même du système nerveux central. D'après les physiologistes, cet apprentissage est nécessaire afin de déterminer, au niveau individuel, autant les aspects qualitatifs que la magnitude sensorielle perçue.
En troisième lieu, on notera qu'il existe une très grande variabilité interindividuelle dans ce domaine ; ainsi, chez l'adulte, la sensibilité liminaire peut varier de 1 à 500 et même plus. Dès lors, la « norme », valeur moyenne, n'a que peu de sens dans ce cas. D'autre part, la mise en place de ces différences est précoce, la courbe de développement étant très réduite : dès l'âge de un an environ, les caractéristiques individuelles sont en place.
Enfin, il convient de souligner que, si la sensation gustative joue, comme toute modalité sensorielle, un rôle d'information quant au monde environnant, elle possède, en plus, une autre qualité : le retentissement affectif de l'information. Toute stimulation dans ce domaine déclenche, simultanément, l'identification du stimulus et une réaction émotionnelle à son égard. Cette réaction émotionnelle primaire, non apprise, se situe sur un continuum bipolaire, allant de l'agréable au désagréable, et joue, très probablement, un rôle non négligeable dans les apprentissages ultérieurs.
Le réflexe gusto-facial
Le réflexe gusto-facial (R.G.F.) est un phénomène singulier, déclenché par des stimulations sapides supraliminales. Il a été décrit pour la première fois par un psychologue de l'enfant, Preyer (1887) ; complètement oublié ensuite, il a été redécouvert et étudié systématiquement par J. Steiner (1973), qui fournit des précisions sur ce phénomène : dès les premiers moments de la vie, le nouveau-né réagit par une mimique aux stimulations sapides (la réponse existerait déjà in utero). Cette mimique est, d'une part, présente chez tous les enfants, d'autre part, différente selon le stimulus (salé, sucré, acide, amer) et identique, pour un même stimulus, d'un individu à un autre (voir les cinq photos ci-dessous).
Le réflexe gusto-facial est une réponse innée, réflexe (dont la commande se situe au niveau bulbaire), stimulo-dépendante ; elle n'est pas le propre de l'homme : Grill et Norgren (1978), Pfaffman (1978) l'ont étudiée chez d'autres animaux, des rongeurs en particulier.
Mais cette mimique réflexe, dépourvue au départ de toute intentionnalité, survient dans un contexte social fortement investi émotionnellement par l'entourage (situation alimentaire chez le nourrisson) : l'entourage, dès la perception de la mimique, l'interprète, lui assigne un sens. On a suivi (M. Chiva, 1979) le devenir du réflexe gusto-facial lors d'une étude longitudinale qui prend le sujet dès la naissance jusqu'à l'âge de 24 mois et qui a mis en évidence trois étapes.
– De la naissance[...]
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Écrit par
- Matty CHIVA : docteur ès lettres et sciences humaines, docteur en psychologie, professeur de psychologie à l'université de Paris-X-Nanterre, directeur du Centre de psychologie de l'enfant de l'université de Paris-X
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Médias
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