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KLIMT GUSTAV (1862-1918)

La Sécession

Ce mouvement, qui se développe parallèlement à Munich et à Berlin, prend à Vienne tout son sens. Il implique en effet une rupture radicale dans la peinture autrichienne qui n'a pas connu l'impressionnisme et qui va subitement passer de l'académisme à la modernité. En 1897, Klimt, en compagnie de dix-huit autres artistes (Koloman Moser, Carl Moll, Josef Maria Olbrich, entre autres), quitte la très académique Künstlerhaus (Maison des artistes) pour fonder un nouveau regroupement d'artistes baptisé Secession, dont il devient président en 1898. L'association se dote d'une revue, Ver Sacrum (« le printemps sacré ») et décide d'édifier un nouveau bâtiment d'exposition, véritable temple dédié à l'Art nouveau, dont la construction est confiée à l'architecte Joseph Maria Olbrich, l'assistant d'Otto Wagner. Le bâtiment, inauguré l'année suivante, affiche sur son fronton la fière devise : « À toute époque son art, à tout art sa liberté. » Il ressemble à une basilique byzantine avec ses murs recouverts de plaques de marbre et sa coupole dorée. Les membres de la Sécession portent un projet global et révolutionnaire : non seulement introduire la modernité en Autriche, mais aussi esthétiser la vie quotidienne en supprimant les barrières entre arts majeurs et mineurs. L'idée des Wiener Werkstätten (« Ateliers viennois »), qui prendra corps quelques années plus tard (1903) sous l'égide de Josef Hoffmann et de Koloman Moser, est déjà implicitement présente dans le projet sécessionniste. Dans l'esprit du mouvement Arts and Crafts développé en Angleterre par William Morris, il s'agissait de redonner vie à un artisanat d'art en voie de disparition en concevant des objets utilitaires aux formes modernes et épurées, souvent inspirées par le Japon.

Le tableau intitulé Pallas Athénée (1898, Historisches Museum, Vienne) illustre la nouvelle veine stylistique de Klimt. Athéna revêt l'allure d'une séductrice viennoise, femme fatale aux yeux fardés dont la longue chevelure rousse dépasse du casque pour encadrer la plaque pectorale représentant une gorgone tirant la langue. Elle tient dans sa main droite une sculpture représentant une femme nue, que l'artiste agrandira l'année suivante pour son allégorie de la Nuda Veritas (1899, Theatersammluny des nationalbibliothek, Vienne, en dépôt au Muséum des 20 Jahrhunderts, Vienne). Détournée sur un mode ironique et accolée à la modernité, la référence à l'Antiquité prend une dimension à la fois étrange et burlesque. On trouve ici déjà en place tous les ingrédients de l'art du peintre.

Les cycles décoratifs réalisés pour l'université de Vienne (1900-1902) prirent pour Klimt valeur de manifeste. Ces trois peintures de grand format, aujourd'hui disparues (elles brûlèrent en 1945, dans les derniers jours de la guerre, lors de l'incendie du château où elles étaient entreposées), avaient été commandées à l'artiste dès 1896 pour orner le plafond du hall d'honneur de la nouvelle université sur le Ring. Elles représentaient des allégories de la philosophie, de la médecine et du droit. La querelle suscitée par ces peintures, comparable, par son ampleur, à la « Bataille d'Hernani », suscita pétitions et contre-pétitions, vint constituer la ligne de partage entre conservateurs et progressistes et imposa Klimt comme figure de proue de l'art moderne. Contrairement à une idée reçue, ces peintures choquèrent moins par leur érotisme que par leur ironie et leur impertinence. On reprocha à la Philosophie son aspect nébuleux et incertain, où les idées de Nietzsche se mêlaient au relativisme d'Ernst Mach, alors que les commanditaires attendaient une représentation claire et rigoureuse dans l'esprit de L'École d'Athènes[...]

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L'Attente, G. Klimt - crédits : MAK-Österreichisches Museum für angewandte Kunst, Vienne

L'Attente, G. Klimt

<it>Portrait d'Émilie Flöge</it>, G. Klimt - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Portrait d'Émilie Flöge, G. Klimt

<it>Le Baiser</it>, G. Klimt - crédits :  Bridgeman Images

Le Baiser, G. Klimt

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  • ART NOUVEAU

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    ...1897, le conseil municipal de Vienne accorde un terrain à la nouvelle association d'artistes, connue sous le nom de Sécession, présidée par le peintre Gustav Klimt et née de la scission du Kunstlerhaus. Dans le pavillon d'exposition à édifier, J. M. Olbrich voulait transmettre un sentiment de pure...
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    Le monde de la peinture est alors marqué par la sécession de Klimt et du groupe qui l'entoure. « À tout temps, son art ; à tout art, sa liberté », proclamait Klimt, qui, en respectant la bidimensionalité du support, conférait une nouvelle valeur à la ligne et à la couleur.
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