LEONHARDT GUSTAV (1928-2012)
Au plus près de l'esprit des compositeurs
Son répertoire de claveciniste et d'organiste soliste est vaste : il s'étend du début du xvie siècle à la fin du xviiie, avec un accent mis sur les grands compositeurs du xviie siècle, comme Girolamo Frescobaldi, Johann Jacob Froberger, Louis Couperin et Jean-Sébastien Bach. C'est Gustav Leonhardt musicologue qui guide Gustav Leonhardt interprète : toujours soucieux d'être au plus près de l'esprit des compositeurs, il effectue en effet, en ce qui concerne tant le clavecin que l'orgue, des recherches approfondies sur l'ornementation, l'articulation, les nuances, le rubato et le rythme. Il faut à cet égard souligner que les différences dans l'interprétation sont très importantes pour toutes les musiques de l'époque baroque car, contrairement au répertoire plus tardif des musiques classique et romantique, tout n'est pas noté sur la partition, notamment les nuances et l'ornementation. Par conséquent, Gustav Leonhardt va bien au-delà de la lecture des partitions : il étudie les traités, confronte les sources et les différentes théories, mais ne donne jamais de conclusion définitive et s'accorde la liberté de changer d'avis. Il se montre très critique envers son travail, et nombreux sont ses concerts ou ses enregistrements qui mettent à l'épreuve une interprétation précédente de la même œuvre. Ainsi, lorsqu'il a enregistré pour la deuxième fois les Variations Goldberg ou les Six Partitas pour clavier, BWV 825 à 830, de Jean-Sébastien Bach, il a donné une interprétation nouvelle qui réévaluait la première. On souligne souvent la précision de ses interprétations, en mentionnant qu'il est très attaché aux détails, ce à quoi il répond, avec son humour habituel : « Quand une petite chose prend plus d'importance qu'on ne croyait, ce n'est plus une petite chose. » Pour aller au plus près de la musique, il faut aller au-delà de celle-ci et étudier le contexte social, historique et esthétique d'une œuvre. Sa culture dans de nombreux domaines – il est féru d'histoire, de philosophie, de théologie – le guide dans la conception de ses interprétations.
Gustav Leonhardt est également très exigeant quant au choix des instruments, notamment de ses clavecins. Il n'apprécie guère les clavecins de conception moderne – son admiration pour l'art de Wanda Landowska ne sera que passagère –, et sélectionne toujours des instruments construits rigoureusement d'après les principes anciens ou des clavecins anciens parfaitement ravalés. Son choix est fonction de la période considérée ou du compositeur : puriste en matière d'interprétation, il est opposé au fait que l'on interprète un compositeur de la période baroque sur un instrument moderne ou de conception moderne. Dans un entretien accordé au périodique La Terrasse en novembre 2008, il affirme sa position, ferme, voire sévère, quant à l'interprétation de la musique de Bach : « Il est absolument impossible de jouer Bach sur un piano moderne. Je trouve que c'est une attitude primitive et même égoïste. Ils se fichent de Bach et de l'œuvre. Ils prennent l'œuvre et la jouent à leur manière, même s'ils disent qu'ils jouent de manière dépouillée, sans pédale, avec respect... Ce n'est pas vrai parce qu'ils ne comprennent absolument rien. Le piano a de merveilleuses possibilités pour Brahms ou pour Debussy mais c'est un autre monde. » En 1952, Gustav Leonhardt publie The Art of fugue : Bach's Last Harpsichord Work (Nijhoff, La Haye). Il est aussi l'éditeur des fantaisies et toccatas pour clavier de Jan Pieterszoon Sweelinck dans l'édition critique des œuvres publiée par le Vereniging voor Nederlandse Muziekgeschiednis (Amsterdam, 1968).
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Juliette GARRIGUES : musicologue, analyste, cheffe de chœur diplômée du Conservatoire national supérieur de musique de Paris, chargée de cours à Columbia University, New York (États-Unis)
Classification
Autres références
-
BRÜGGEN FRANS (1934-2014)
- Écrit par Pierre BRETON
- 646 mots
Sans lui, la flûte à bec serait restée le modeste vecteur de l’initiation musicale dispensée par les collèges. Frans Brüggen a fait redécouvrir au grand public un répertoire instrumental insoupçonné et contribué de manière essentielle à la renaissance des œuvres et du style baroques....
-
HARNONCOURT NIKOLAUS (1929-2016)
- Écrit par Juliette GARRIGUES
- 1 728 mots
- 1 média
...de force qui existent entre le chef et l'orchestre. 1971 voit le début de son enregistrement intégral des cantates sacrées de Bach avec le Consort de Gustav Leonhardt, entreprise qui ne s'achèvera qu'en 1989. En 1972, fort de son expérience de violoncelliste, de sa connaissance étendue du répertoire... -
OPÉRA - Le renouveau de l'opéra baroque
- Écrit par Ivan A. ALEXANDRE
- 11 918 mots
- 3 médias
...reconstitution » qui fait si peur et dont il convient de protéger l'assistance, qui l'a une fois accomplie ? Qui l'a vue ? Certainement pas le claveciniste et chef Gustav Leonhardt, pionnier du « mouvement baroque », aujourd'hui incapable de franchir la porte d'un opéra. « D'un côté, explique-t-il, les éditions „critiques“...