MAHLER GUSTAV (1860-1911)
Le lied et la symphonie
Mahler ne se consacre plus alors qu'au lied et à la symphonie. Les symphonies sont au nombre de dix, et la dernière reste inachevée ; les Deuxième, Troisième, Quatrième et Huitième font intervenir les voix (de façon chaque fois différente, d'ailleurs). Quant aux lieder, dont quelques-uns seulement sont accompagnés au piano et les autres par l'orchestre, ils se regroupent en cinq cycles plus ou moins importants et dont le dernier, Das Lied von der Erde (Le Chant de la Terre), constitue en fait une véritable symphonie. De même que, jadis, on vanta Mahler interprète au détriment de Mahler créateur, on prit prétexte des dimensions des symphonies pour n'y voir que de « petits lieder gonflés en symphonies ». Ce genre d'objection apparaît aujourd'hui dérisoire.
À Kassel furent terminés les Lieder eines fahrenden Gesellen (Chants d'un compagnon errant), composés pour la chanteuse Johanna Richter, avec laquelle Mahler avait eu une liaison, et à Leipzig fut achevée la Première Symphonie, dite Titan, écrite sous le coup d'une nouvelle passion pour Marion von Weber, épouse du petit-fils de l'auteur du Freischütz. La symphonie fut créée dans sa version originale en novembre 1889 à Budapest, dont Mahler dirigea l'Opéra de 1888 à 1891. Ce fut le premier poste où il ne dépendit en principe, sur le plan artistique, que de lui-même. Il y assura les créations de L'Or du Rhin et de La Walkyrie de Richard Wagner en janvier 1889 ; et, en janvier 1891, il y dirigea une magnifique représentation du Don Giovanni de Mozart qui souleva l'enthousiasme de Brahms. Démissionnaire deux mois plus tard, Mahler devint immédiatement, et pour six ans (jusqu'au début de 1897), premier chef à l'Opéra de Hambourg, avec sous ses ordres un excellent ensemble de musiciens et, à partir de 1894, un jeune assistant nommé Bruno Walter. De cette époque datent la plupart des lieder du cycle Des Knaben Wunderhorn (Le Cor merveilleux de l'enfant), réalistes et fantastiques à la fois, ainsi que deux symphonies, conçues, elles aussi, sous le signe du Wunderhorn et avec chacune deux mouvements faisant appel aux voix : la Deuxième (1888-1894), dite Résurrection, dont le finale est bâti sur un hymne de Friedrich Gottlieb Klopstock, et la Troisième (1894-1896), qui chante un hymne immense à la nature (le quatrième de ses six mouvements repose sur un poème du Zarathoustra de Nietzsche). La Quatrième Symphonie (1899-1900), bien que composée à un autre moment de la vie de Mahler (durant les années passées à la tête de l'Opéra de Vienne), peut se rattacher aux trois premières. Elle n'en est pas moins une œuvre charnière.
Ces quatre premières symphonies présentent avec les lieder qui leur sont contemporains des liens particulièrement évidents : mouvements vocaux sur des poèmes du Wunderhorn (dans les Deuxième, Troisième et Quatrième), rencontres d'atmosphère, citations instrumentales éparses ou non (des Lieder eines fahrenden Gesellen, dans la Première ; des Wunderhorn Lieder, de la Deuxième à la Quatrième). Ces liens ne devaient jamais disparaître tout à fait, puisqu'on retrouve, davantage sous forme de souvenirs il est vrai, des « citations » des Wunderhorn Lieder jusque dans la Septième Symphonie au moins, et des échos des lieder sur des poèmes de Friedrich Rückert de la Quatrième à la Septième. Cela dit, les lieder de Mahler ne se laissent pas résumer par la notion, aussi extensible soit-elle, d'étude préalable. Tous furent finalement orchestrés, sauf les trois volumes publiés en 1892 comme Lieder und Gesänge aus der Jugendzeit (Lieder et chants de jeunesse), et ils sont difficilement concevables autrement, car ils ont eux-mêmes une dimension symphonique. Cette dimension fut déterminée, entre autres, par le choix des textes : choix souvent « archaïque », à[...]
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Écrit par
- Marc VIGNAL : musicologue, journaliste
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