GUSTAVE COURBET (exposition)
En 1977-1978, une rétrospective mémorable des Galeries nationales du Grand Palais avait été consacrée à Gustave Courbet. Fallait-il, une génération plus tard, en organiser une autre au même endroit et selon des principes analogues, c'est-à-dire le rassemblement de l'essentiel de son œuvre ? On ne peut que répondre positivement, tant pour des raisons purement visuelles et esthétiques que pour d'autres relevant plus spécifiquement de l'histoire de l'art et de l'interprétation, après avoir visité l'exposition présentée à l'automne de 2007 à Paris (13 octobre 2007-28 janvier 2008) puis à New York, au Metropolitan Museum of Art (27 février-18 mai 2008) et enfin au musée Fabre, à Montpellier (14 juin-28 septembre 2008), avec pour ces deux derniers endroits une version amputée, notamment de certains grands formats.
Le parcours de l'exposition au Grand Palais relevait tout d'abord du pur plaisir visuel. On retiendra notamment la volonté d'accrocher les œuvres sur des fonds colorés très réussis, et avec un éclairage lui aussi de très grande qualité. C'est à une véritable résurrection d'Un enterrement à Ornans (1849) et de L'Atelier du peintre (1855) que l'on pouvait ainsi assister, tant par une disposition assez basse faisant pénétrer le spectateur beaucoup plus directement dans la scène représentée, que par l'apparition de nuances et de fonds, en particulier pour L'Atelier, invisibles au musée d'Orsay où les conditions de présentation des deux tableaux ne sont pas à la hauteur de la place qu'ils occupent dans l'histoire de la peinture du xixe siècle. Mais l'amateur était tout autant ébloui par l'extraordinaire rassemblement d'œuvres réalisé par les deux commissaires parisiennes, Laurence des Cars et Dominique de Font-Réaulx. Ne manquaient en fait que deux tableaux importants, Les Lutteurs (1853), conservé au Szépmüvészeti Múzeum de Budapest, à la situation juridique incertaine, et Les Cribleuses de blé (1854) du musée de Nantes, désormais trop fragile pour circuler. Autrement, tous les grands chefs-d'œuvre de Courbet étaient là.
Le parcours avait été pensé à la fois chronologiquement et thématiquement. On commençait ainsi par l'ensemble des autoportraits et des portraits des années 1840, où l'artiste se met en scène dans le prolongement du romantisme, avant d'élargir le propos à travers les portraits de famille et d'amis ainsi que les premières scènes réalistes. Venaient ensuite les tableaux-manifestes des années 1850, puis, à l'étage, plusieurs salles consacrées à Courbet paysagiste, probablement une des révélations de l'exposition. Une rotonde mettait en valeur les nus et les tableaux érotiques, puis l'on passait aux paysages de neige et aux spectaculaires scènes de chasse des années 1860. Le Courbet de la Commune et des dernières difficiles années n'était évoqué que par les œuvres les plus importantes d'alors, essentiellement les natures mortes exécutées en 1871-1872, et les trois emblématiques Truites de 1872-1873. Cet ensemble exceptionnel comportait très peu de dessins. En revanche, de très nombreuses photographies de contemporains de Courbet étaient proposées, avec deux groupes plus importants ; les paysages d'une part, les photographies érotiques de l'autre.
Le propos de l'exposition n'était pas seulement de montrer, mais aussi de comprendre, ou plutôt de proposer des interprétations, une contextualisation possible de Courbet, dans la perspective des recherches ouvertes par la rétrospective de 1977, qui avait notamment permis de reconstruire la signification profonde de L'Atelier dans un dossier séparé. Ainsi la présence de la photographie ne s'explique pas seulement pour des raisons documentaires (il avait d'ailleurs été décidé,[...]
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Écrit par
- Barthélémy JOBERT : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur à l'université de Paris-IV-Sorbonne
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