HERVÉ GUSTAVE (1871-1944)
D'origine relativement modeste, Gustave Hervé commença sa carrière dans l'enseignement comme surveillant, puis comme professeur d'histoire à Rodez en 1897. Son militantisme dreyfusard et son anticléricalisme, ses opinions ultra-démocratiques lui valurent d'être deux fois muté. Professeur au collège de Sens en 1900, il collabora au Travailleur socialiste, feuille ouvrière locale, et l'un de ses articles, à propos d'une cérémonie anniversaire de la bataille de Wagram, fit un tel scandale (il y souhaitait voir le drapeau du régiment planté par son colonel sur un tas de fumier) qu'il fut poursuivi devant les assises : défendu par Briand, il fut acquitté, mais Georges Leygues, ministre de l'Instruction publique, le révoqua. Hervé fonda alors une feuille très violemment antimilitariste, Le Pioupiou de l'Yonne, qui lui valut deux nouvelles poursuites et deux nouveaux acquittements. Devenu socialiste, il fut, dans les années 1904-1914, l'animateur d'une tendance extrémiste de la S.F.I.O. qui prêchait l'antimilitarisme, le pacifisme et l'action insurrectionnelle. Il voulait voir l'Internationale organiser la grève générale en cas de guerre. Il faisait de nombreuses conférences et créa, le 19 décembre 1906, un hebdomadaire, La Guerre sociale, où il attira Victor Méric, Henri Fabre, Eugène Merle, Almereyda ; les deux derniers devaient d'ailleurs le quitter pour fonder, en novembre 1913, Le Bonnet rouge ; maintes fois poursuivi et emprisonné, Hervé militait toujours. Son journal tira jusqu'à cinquante mille exemplaires.
Cependant, au congrès extraordinaire qui se tient du 14 au 16 juillet 1914 à Paris, Hervé vote, avec Guesde, contre Jaurès et Vaillant qui continuaient à prôner la grève générale comme arme suprême pour sauver la paix. Hervé commençait une évolution qui le fit se rallier d'enthousiasme à l'Union sacrée, exalter le peuple en armes pour la défense de la démocratie, puis, plus simplement, l'armée et la patrie. Son journal, qui prit, le 1er janvier 1916, le titre de La Victoire, devint quotidien et son tirage atteignit quatre-vingt mille exemplaires. Dans cette feuille, Hervé devenu « jusqu'auboutiste », dénonça Le Pays et ses campagnes pacifistes ainsi que tous les autres défaitismes.
Après la guerre, Hervé, qui avait quitté la S.F.I.O. pour créer un fantomatique Parti socialiste national, continua à faire paraître son journal dont les tirages furent vite confidentiels et la périodicité souvent irrégulière. Il y défendit, avec des arguments souvent originaux, les thèmes de la droite nationaliste, prêcha même la rechristianisation de la France ; son antiparlementarisme le conduisit à réclamer un homme fort ; il afferma même un temps, en 1933, sa feuille à Marcel Bucard, authentique fasciste subventionné par Mussolini. Dès 1935, il mena à grand bruit sa fameuse campagne « c'est Pétain qu'il nous faut », qui ne fut, semble-t-il, pas inspirée par le maréchal, ni non plus désavouée par lui. Obstiné dans la haine de ses anciens amis de la gauche, isolé dans son idéalisme aux lignes incertaines, Hervé restait indépendant et toujours aussi passionné.
Le 17 juin 1940, le premier journal à reparaître, en compagnie du Matin, dans Paris occupé fut La Victoire. Les Allemands comprirent que ce titre était alors vraiment inadapté et que Hervé, déconsidéré, ne pouvait plus rendre aucun service : le 20 juin, le journal fut interdit. Hervé protesta et écrivit même à Pétain. En vain. Il devait mourir en octobre 1944.
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Écrit par
- Pierre ALBERT : professeur émérite de l'université Panthéon-Assas
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