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MARISSIAUX GUSTAVE (1872-1929)

Né à Marles (Pas-de-Calais), Marissiaux s'installe à Liège, en 1899, comme photographe professionnel. Depuis cinq ans, il travaille comme photographe amateur et a acquis une certaine réputation auprès de ses confrères de l'Association Belge de Photographie, la plus importante association de photographes du pays. En 1902, Marissiaux devient le représentant le plus coté sur les cimaises internationales de cette association qui, à cette époque, s'engage délibérément et très activement dans la révolution esthétique baptisée photographie pictorialiste, et où sont également engagés l'Anglais Davison, le Français Demachy, les frères Hofmeister en Allemagne, les Américains Steichen et Stieglitz. En Belgique, Gustave Marissiaux et Léonard Misonne en sont les maîtres incontestés. Le mouvement pictorialiste défend l'idée que la photographie, technique de représentation du réel, est aussi une image (en anglais : picture) et doit bénéficier de la même considération que les images produites par la peinture ou les arts graphiques. En Belgique, Marissiaux milite avec succès en faveur de cette idée, mais il est surtout un praticien constamment confronté à la dualité de la photographie prise entre le réel et l'image, entre la technique et l'art. Dans un texte intitulé « L'Art et la photographie », publié dans le bulletin de l'Association, il cite Quatremère de Quincy : « L'imitation dans les beaux-arts n'a d'autres buts que de nous faire voir la réalité par l'apparence. » Puisque la technique photographique donne de la réalité une image conforme, il faut la trahir pour que naisse l'apparence. Comme Misonne, mais sans tomber dans l'excès qui caractérise les œuvres de Demachy et de Steichen, Marissiaux use des techniques de tirage permettant l'intervention manuelle (tirage au charbon, à la gomme bichromatée, aux encres grasses). Cependant, à l'inverse de Misonne, dans les œuvres de Marissiaux le réel photographié est recherché pour lui-même, puisqu'il est le substrat de l'apparence. Marissiaux voyage pour photographier et ses photos ne sont pas des souvenirs : Venise (1903-1906), les landes bretonnes (1907), l'Italie du Nord et les Grands Lacs (1911-1912). Marissiaux ne représente pas, comme Édouard Hannon, l'activité industrielle ou la vie sociale des pays qu'il traverse. Le réel qui fascine Marissiaux est, au contraire, déserté par la vie, vide comme la Bretagne, paradisiaque comme les jardins qui ceignent les Grands Lacs et d'où, comme de l'Éden, l'homme a été chassé. De même Venise, la ville-musée, la ville fabuleuse d'un autre temps, miraculeusement conservée, Venise est photographiée au petit matin ou au crépuscule et, hormis quelques ombres errantes, il n'y a pas âme qui vive dans cette ville fantôme. Ainsi Marissiaux voyage, non pas pour découvrir mais pour fuir, fuir la société et sans doute aussi se fuir lui-même. Tel est le paradoxe qui dévoile partiellement le secret de son œuvre et qui est, par ailleurs, l'une des clés de l'esthétique pictorialiste : photographier, ce n'est pas s'ouvrir au monde, c'est au contraire s'en exclure, édifier des barrières et s'exiler dans un univers clos, aussi fermé qu'un jardin ou une ville mythique entourée d'eau. Ce paradoxe, Marissiaux l'assume totalement dans une œuvre monumentale très célèbre : un « reportage » de quatre cent cinquante diapositives stéréoscopiques sur l'industrie du charbon au pays de Liège. Cette œuvre lui est commandée en 1904 par les sociétés de charbonnages qui ne cachent pas l'objectif publicitaire de l'entreprise. Pour accentuer le réalisme indispensable, on prie Marissiaux de travailler en stéréoscopie, c'est-à-dire avec un appareil reconstituant l'impression de perspective et de relief des objets. Marissiaux use de cette potentialité technique, mais la détourne au profit de ses objectifs esthétiques personnels[...]

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Écrit par

  • : professeur de communication à l'Institut supérieur des sciences sociales et pédagogiques de Marcinelle, Belgique, chargé de cours à l'université de Liège

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