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ROUD GUSTAVE (1897-1976)

Poète et traducteur né à Saint-Légier, dans le canton de Vaud, Gustave Roud est avec Ramuz et C. A. Cingria l'un des grands noms du renouveau de la littérature de Suisse romande. Dès l'âge de onze ans, il vient résider à Carrouge, dans le haut Jorat, région qu'il ne quittera plus et dont le paysage est fortement présent dans son œuvre. Ses premiers poèmes paraissent dans les Cahiers vaudois, revue où s'affirme dans les premières décennies de ce siècle l'identité d'une littérature. Atteint de tuberculose, Roud sombre dans une solitude que la rencontre de H. L. Mermod lui permettra de briser un temps. Cet industriel éditeur au jugement très sûr, qui publiera ses premiers poèmes, lui donnera en effet l'occasion d'animer, avec Ramuz, de 1930 à 1932, la revue hebdomadaire Aujourd'hui. Années d'intense expérience collective qui le conduiront au comité de lecture de la Guilde du livre, fondée en 1936.

Gustave Roud est l'homme d'un lieu clos ; d'un pays de collines douces et de fermes massives, peuplé de paysans au champ, comme dans les grands paysages de Poussin dont il tentera de rendre l'équivalent poétique dans les proses somptueuses du Petit Traité de la marche en plaine (1932) ou de Pour un moissonneur (1941). Une paix virgilienne qui fécondera chez lui un sens presque grec de la mesure, très éloigné des convulsions surréalistes de l'époque. Mais la maladie a tôt retranché du monde immédiat cet enfant de paysan en proie à cette nostalgie arcadienne du vagabond romantique qui ne cessera de le fasciner. Son premier livre, Adieu (1927), s'ouvre et se ferme sur l'image d'une route qui conduit l'exilé vers un paradis remembré dans la terre seconde du poème. Car si l'Essai pour un paradis, ce livre de 1932, pourrait donner son titre à l'œuvre entière de Gustave Roud, s'y exalte pourtant cette « quête de signes » menée dans un monde aujourd'hui éclaté, par quoi le poète virgilien se fait soudain proche de Novalis, Hölderlin et Rilke, en même temps que leur traducteur le plus intuitif. Car c'est la figure même du poète moderne — celui qui ne parle plus qu'en son nom — qui est ici vouée à l'errance. De sorte qu'un autre livre pourrait fixer l'autre pôle, indissociable, de l'expérience poétique selon Gustave Roud : Air de la solitude (1945) évoque cette purification des sens que stimule le retrait du monde. Une écoute plus attentive, un regard plus intense derrière « une vitre infrangible et pure » y deviennent possibles. Subtile « décantation » qu'approfondit encore son dernier ouvrage, Pour un requiem (1967), à travers l'évocation de la mort de sa mère et l'épreuve du malheur.

Cette simplicité majeure ne pouvait qu'être conquise sur l'exercice ostentatoire de la poésie. Peu de poèmes en effet dans cette œuvre brève et pudique. Mais des proses, souvenirs, réflexions, rêves, qui auront moins visé à nous rendre l'Éden qu'à en préserver, à distance, la mémoire.

— Pierre DUBRUNQUEZ

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    ...de commerçants lausannois. Prenons garde, cependant, de ne pas tomber dans le panneau du terroir. Il ne s'agit pas ici de littérature régionale. Chez Gustave Roud (1897-1976), le poète le plus pur de la lignée, le Petit Traité de la marche en plaine (1932) ou Campagne perdue (1972) sont des interrogations...