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ROJAS PINILLA GUSTAVO (1900-1975)

Président de la République de Colombie de 1953 à 1957, le général Gustavo Rojas Pinilla a gouverné son pays avec une autorité si ferme qu'elle s'est rapidement muée en dictature. Il avait ramené la paix civile troublée depuis cinq années par les émeutes et les désordres qu'avait déclenchés, en 1948, l'assassinat de Jorge Eliécer Gaitán, dirigeant de la gauche du parti libéral, et qui coûtèrent la vie à près de trois cent mille Colombiens. Le climat dans lequel il gouverna, marqué à la fois par la continuation de la violence et par le durcissement du régime, souleva contre lui les camps adverses, qui le contraignirent à céder le pouvoir à une junte militaire, prélude à une forme de gouvernement selon laquelle, pendant seize ans (1958-1974), les conservateurs et les libéraux assumeront alternativement le pouvoir.

Personnalité charnière dans la vie politique tourmentée de la Colombie, Rojas Pinilla a eu la carrière typique du dictateur sud-américain qui, mêlant socialisme et nationalisme, ne parvient pas à résoudre les contradictions socio-économiques de l'idéologie confuse qu'il s'est fabriquée ainsi.

Militaire de carrière, il avait été ministre des Communications dans le cabinet du président conservateur Mariano Ospina Pérez (1946- 1950), directeur de l'Aviation civile, délégué de la Colombie au sein du Conseil de défense interaméricain (1951-1952) et commandant en chef de l'armée. Le 13 juin 1953, à la veille d'être limogé et dans le climat de guerre civile engendré par le régime conservateur extrémiste du président Laureano Gomez (élu en 1950), il s'empare du pouvoir par un coup d'État militaire sans effusion de sang et se proclame président de la République. Il promet la paix, la justice, la liberté, et annonce sa volonté de « maintenir l'ordre dans l'attente d'élections honnêtes permettant [...] de définir les bases de la démocratie ». Il rappelle les libéraux en exil, ouvre les prisons, négocie l'arrêt des guérillas. Mais il échoue dans sa tentative de créer, entre les deux grandes familles politiques colombiennes – conservateurs et libéraux –, une troisième force, populiste et nationaliste, s'appuyant sur les couches sociales les plus défavorisées ; cet échec précipite l'orientation dictatoriale du régime. En mai 1957, quinze mois avant l'expiration de son mandat, Rojas Pinilla se fait réélire président de la République par une Assemblée nationale composée de représentants nommés par lui ou choisis parmi des personnalités qui lui sont dévouées. Grèves et émeutes éclatent. Le 9 mai, le général réprime dans le sang une émeute d'étudiants. Mais le lendemain, il doit remettre ses pouvoirs à la junte militaire soutenue par le Front national (conservateurs et libéraux) et prend le chemin de l'exil.

Ayant tenté de revenir en Colombie en 1958, il en est empêché et, en avril 1959, se voit priver de ses droits civiques. Il réapparaîtra néanmoins à plusieurs reprises, mais sans succès, dans la vie politique de son pays : comme candidat aux élections présidentielles de 1962, où il obtient 2,5 p. 100 des voix, et à celles de 1970, où il n'est battu que de 50 000 suffrages par le candidat du Front national, le conservateur Misael Pastrana Borrero ; comme inspirateur, à partir de 1966, d'un nouveau parti de droite conduit par sa fille María Eugenia Rojas de Moreno Díaz, Acción nacional popular (Anapo), qu'il décide, dès 1972, de représenter aux élections présidentielles de 1974. En fait, le candidat de l'Anapo sera alors María Eugenia elle-même et ces élections marqueront le recul de cette « troisième force » populiste, le vieux rêve contradictoire de Rojas Pinilla.

— Raymond MORINEAU

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Écrit par

  • : journaliste, ancien maître de conférences à l'université d'Alexandrie

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  • COLOMBIE

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    La désorganisation provoquée par la dictature de fait de Laureano Gómez est telle quele coup d'État dirigé par le général Rojas Pinilla, commandant en chef de l'armée, est salué avec satisfaction par une bonne partie de l'opinion. Le coup d'État du 13 juin 1953 marque pourtant l'intervention directe...