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DEBORD GUY-ERNEST (1931-1994)

Peut-on parler du situationnisme et, singulièrement, de Guy Debord ? Le premier s'est paradoxalement ingénié à rassembler des révolutionnaires qui refusaient de devenir un parti politique ou un mouvement artistique d'avant-garde ; le second a construit sa vie en n'en livrant que le mythe fragmentaire, du lieu même qui était le sien, c'est-à-dire la clandestinité intellectuelle et la mystification. De là une double gêne : il y a de l'imposture à résumer la vie de qui s'est acharné à dénoncer l'aliénation de la vie par sa mise en spectacle ; de l'imposture aussi à rédiger le formulaire hâtif d'une pensée hégélienne dans son principe, qui s'impose dialectiquement de porter en elle sa propre critique et qui méprise l'argumentation ou l'art dès lors qu'ils ne se réalisent pas dans la praxis et l'accomplissement révolutionnaire de la vie quotidienne. Debord propose précisément la critique radicale de cette vie quotidienne, que le capitalisme moderne a organisée en “spectaculaire diffus” et le bloc des pays de l'Est en “spectaculaire concentré”. Ce système totalitaire d'illusions sera réanalysé plus tard sous le concept de “spectaculaire intégré” (Commentaires sur la société du spectacle, 1988), quand le discours médiatique aura définitivement assis le pouvoir des propriétaires du monde. Il n'y a pas de distinction à opérer entre de bonnes et de mauvaises représentations : le faux est la règle commune dès lors qu'on a affaire à l'activité séparée, à la pensée spécialisée, auxquelles s'oppose la construction globalisante de la révolution. C'est elle qui peut détruire l'aliénation des individus, expulsés de leur propre vie par le spectacle qui s'offre à eux comme seul substitut possible. Quant aux intellectuels, ils s'emploient à diffuser une idéologie de la survie dans la consommation du vide, interdisant de la sorte l'usage de la vie librement réinventée.

La biographie connue de Debord se réduit à peu de chose : Panégyrique (1989) ruine le projet autobiographique au moment même où il l'annonce. Le mystère est entretenu sur les activités, les lieux, les amours de cet esprit subversif qui se fixe comme géographie mentale le réseau des cafés du monde où il a beaucoup bu. Le même brouillage des pistes se lit dans les Considérations sur l'assassinat de Gérard Lebovici (1985), ou encore Cette Mauvaise Réputation... (1993). Que sait-on néanmoins ? Que Guy Debord est né en 1931 dans une famille bourgeoise et qu'il fit ses études à Pau et à Cannes, avant de venir à Paris. Il participa au mouvement lettriste d'Isidore Isou, et tourna son premier film, Hurlements en faveur de Sade, en 1952. En 1957, il fonda, avec d'autres, l'Internationale situationniste (I.S.). Il fut le directeur de la revue qui portait le même nom, et dont les collaborateurs les plus importants furent Raoul Vaneigem, Mustapha Khayati et René Viénet, jusqu'en 1969, où la publication cessa. En 1967 parut aux éditions Buchet-Chastel La Société du spectacle, qui fixe l'apport personnel de Guy Debord au situationnisme. C'est le monde existant dans sa totalité qui est critiqué, à travers la dénonciation du fétichisme de la marchandise et du spectacle dans la société moderne. Autant dire qu'il fut, avec le Traité de savoir-vivre à l'usage des jeunes générations de Raoul Vaneigem, paru la même année, un inspirateur, souvent ignoré comme tel, du mouvement de mai 1968. Des films comme Critique de la séparation (1961) et In girum imus nocte et consumimur igni (1978), atypiques et anticinématographiques, poursuivirent l'entreprise d'analyse démystificatrice, tout en se démarquant d'un faux révolutionnaire comme Godard et en proposant un cinéma sans spectacle (Œuvres[...]

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  • SITUATIONNISTES

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