Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

LÉVIS MANO GUY (1904-1980)

« Le miracle GLM » est l'œuvre du poète Guy Lévis Mano. Car il deviendra typographe parce qu'il est d'abord poète. Puis éditeur parce qu'il est typographe.

En 1935, GLM achète sa première vraie presse, une Minerve à pédale. L'importante revue Arts et métiers graphiques de Peignot remarque tout de suite ses pages, ses couvertures, et les reproduit. Dès le début, les plus grandes voix l'accompagnent. René Char préface son catalogue : « Ce ne sont pas, écrit-il, les secrets de fabrication, les arcanes des artisans superbes, comme autant d'as évanouis, qui manquent principalement à qui entreprend de nos jours l'édition de difficiles livres, mais bien ce sentiment souverain, et lui seul, l'amour profond, sans quoi il n'est pas de glorieux ouvrage. »

De 1935 à 1939, la petite cour de la rue Huygens est un havre de poésie, un lieu où se retrouvent écrivains et poètes amis dont GLM publiera les œuvres : Eluard, Breton, Bataille, Jouve, Michaux, Char, Prévert, Soupault, Leiris, Gisèle Prassinos, Schéhadé, Tzara, et bien d'autres. De remarquables peintres et graveurs illustreront ses livres, parmi lesquels : Giacometti, Masson, Miró, Picasso, Max Ernst, Man Ray, Coutaud, Sima, Mario Prassinos, Valentine Hugo, Vilato...

GLM, qui fréquenta et publia les poètes et les artistes les plus prestigieux, cherchait avant tout l'homme au fond du poète et garda tout au long de sa vie le goût de la rigueur et de la simplicité. « Je salue en vous l'ouvrier total, lui écrivait Gaston Bachelard. Vous avez vraiment connu les hommes lettre par lettre. »

En 1939, ce fut la « drôle de guerre » suivie de cinq années de captivité qui devaient durablement le marquer. En 1942, Albert Béguin, qui préparait un recueil de poèmes de captivité, reçut des camps plusieurs centaines de manuscrits. L'un de ceux-ci, rapporte-t-il, « était signé d'un pseudonyme qui aurait dû me mettre sur la voie et me faire connaître en Jean Garamont l'imprimeur de tant de poètes... Cette voix frappait aussitôt. »

La longue nuit du prisonnier commence : « Homme exclu de la vie et de la mort. » Rien, bien sûr, n'est comparable aux camps d'extermination, dont GLM apprendra l'existence plus tard ; mais ici le sang s'affadit, la jeunesse s'échappe, l'attente est le lot de chaque instant. Sa voix qui charrie toutes les détresses et qui saisit parfois un moment lumineux, cette voix où se fondent les souffrances, les détresses de ses compagnons, traverse le temps, appelle chaleureusement, continue de questionner. Cette voix de solitude devient la voix de tous.

Au retour, Jean Garamond redevient GLM. Par chance, il retrouve son atelier intact et se remet au travail. Il édite les Lettres de Rodez d'Artaud, le Romancero gitan de Lorca, qu'il traduit ainsi que de nombreuses œuvres (Rafael Alberti, Coleridge, Góngora entre autres) ; il imprime de jeunes poètes qu'il ne cesse de découvrir : Yves de Bayser, Jacques Dupin, Pierre Torreilles, André du Bouchet, Georges Schéhadé... Après les poèmes encore marqués par les années de captivité, de 1948 à 1954, ce sera le silence. Puis, paraît L'Extrême Adversaire, poème du dédoublement et d'une marche incessante. Suivront Le Dehors et le Dedans, poèmes en prose, sortes d'apologues, paroles de sagesse et d'humour.

Pierre Torreilles, son grand ami, exprime en poète l'exceptionnel cheminement de cette parole et de cette vie : « Solitude de la parole, lutte intime avec l'ombre, ce combat avec l'ange sera toujours pour lui ce qui fera venir à vérité la banalité même des mots [...]. La poésie rassemble. Elle est le lieu, le seul vrai lieu. »

Parmi les œuvres principales de Guy Lévis Mano, citons : Ils sont trois hommes, jeu typographique de l'auteur, 1933 ; L'Homme des départs immobiles[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Autres références

  • GID RAYMOND (1905-2000)

    • Écrit par
    • 980 mots

    L'affichiste Raymond Gid est né à Paris en 1905. Fils d'un ingénieur de l'École centrale, il suit d'abord une formation d'architecte à l'école des Beaux-Arts, mais il n'exercera jamais ce métier. Il préfère le dessin : croquis humoristiques et caricatures sont ses genres de prédilection. ...