KURTÁG GYÖRGY (1926- )
Compositeur et pianiste hongrois d'origine roumaine (il naît à Lugós, aujourd'hui Lugoj, en Roumanie, le 19 février 1926), György Kurtág commence à travailler la musique sous l'égide de sa mère. Il poursuit ses études musicales à Timişoara avec Magda Kardos (piano) et Max Eisikovits (composition), avant de s'installer à Budapest en 1946 (il adoptera la nationalité hongroise en 1948). Il y étudie à l'académie Franz-Liszt, sous la férule de Pál Kadosa (piano), Leó Weiner (musique de chambre), Sándor Veress et Ferenc Farkas (composition). À Paris (1957-1958), il se perfectionne auprès de Marianne Stein et assiste aux cours de Darius Milhaud et d'Olivier Messiaen.
Ayant commencé à composer dans le style traditionnel (Suite, pour piano, 1951 ; Cantate, 1953 ; Concerto pour alto et orchestre, 1954), Kurtág cesse de créer entre 1954 et 1958 et se consacre à l'étude de la musique des trois Viennois, Schönberg, Berg et Webern. Le fruit de cette réflexion est un quatuor à cordes (1959), qu'il considère comme sa première œuvre véritable, et qui use d'un langage sériel, libre et personnel, aux phrases incisives et à la concision toute wébernienne. Avec ce Premier Quatuor à cordes op. 1, son Quintette à vent op. 2 (1959), ses Huit Pièces pour piano op. 3 (1960) et ses Huit Duos pour violon et cymbalum op. 4 (1961), Kurtág établit sa réputation de porte-drapeau de l'avant-garde hongroise.
Mais c'est à un « concerto pour soprano et piano » intitulé Bornemisza Péter mondásai (« Les Dits de Péter Bornemisza ») op. 7, créé en 1968 lors du festival de Darmstadt, qu'il doit sa renommée internationale. Cette œuvre, sur laquelle il travailla cinq années durant (1963-1968), fait référence au « concerto ecclesiastico » tel que le pratiquèrent Heinrich Schütz, Giovanni Gabrieli ou Lodovico Viadana. Schütz surtout, auquel on pense beaucoup à l'écoute de cette musique aux couleurs madrigalistes qui prend soin de laisser audible le sens du texte (tiré de sermons de ce prédicateur réformé du xvie siècle) sur lequel elle s'appuie. Structurées en vingt-quatre courts mouvements d'une durée totale de plus de quarante minutes, ces pages sont d'une étonnante richesse émotionnelle et passent au crible toute la palette des sentiments humains au travers d'un lyrisme exacerbé au style sévère et épuré de toute référence à des modes de jeux « contemporains » (glissandi, clusters, aléatoire, nouvelles techniques instrumentales ou vocales...). Là réside d'ailleurs une des permanences du langage de ce créateur, qui n'emploie comme outils expressifs que le contrepoint, l'harmonie, la dynamique et le rythme, le timbre ne jouant qu'un rôle mineur dans sa production.
Suivent En souvenir d'un crépuscule d'hiver op. 8 (1969), pièce pour soprano, violon et cymbalum, sur des textes de Pál Gulyas, Quatre Capriccios op. 9 (1971), pour soprano et ensemble instrumental, sur des poèmes d'István Balint, Quatre Mélodies op. 11 (1975), sur des poèmes de János Pilinszky, Omaggio a Luigi Nono op. 16 (1979), pour chœur a capella, Messages de feu Mademoiselle R.V. Trusova op. 17 (1980), pour soprano et ensemble mixte, sur des poèmes de la Russe Rimma Dalos, Kafka-Fragmente op. 24 (1985), pour piano et violon. Autant de pièces représentatives du style de Kurtág, au dodécaphonisme libre (optant pour des séries structurellement brèves), aux mouvements proches de l'aphorisme (lui permettant de construire une « grande forme »), s'appuyant parfois sur des modèles (les fugues ou les inventions de Bach, la technique canonique...), confrontant formes libres et formes rigoureuses et appliquant sans dogmatisme des séries, complètes ou non, aux paramètres autres que ceux des intervalles.
Kurtág va ensuite s'attacher à des formes plus importantes,[...]
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Écrit par
- Alain FÉRON : compositeur, critique, musicologue, producteur de radio
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