BRASSAÏ GYULA HALÁSZ dit (1899-1984)
Rencontre avec Picasso
Reste que la série des graffitis aide à cerner l'esthétique sauvage de Brassaï : brutalité, frontalité, prédominance du sujet sur le cadrage. Il se singularise par rapport aux esthétiques dominantes de l'époque, que ce soit l'instant saisi par un Cartier-Bresson, l'élégance formelle d'un Kertész, ou les cadrages spectaculaires de l'école du Bauhaus.
Un autre bon exemple de son art est donné par ses photographies des sculptures de Picasso. Brassaï est indéniablement fasciné par la personnalité de l'artiste espagnol, qu'il rencontre en 1932. Quant à Picasso, il apprécie chez le photographe un regard sans préjugés. Les sculptures ne servent pas de prétexte à des compositions, mais font la composition – au point que Picasso dira que les photographies de Brassaï lui permettent de porter un regard neuf sur ses propres sculptures. L'album Les Sculptures de Picasso paraît en 1949. Dans la foulée des prises de vue, le photographe note sur des bouts de papier ce qu'il a vu ou entendu, et accumule ces fragments dans une boîte. Les souvenirs de ces rencontres seront rassemblés dans un livre de textes accompagné de photographies, Conversations avec Picasso (1964), considéré comme central pour la compréhension de l'œuvre des deux artistes. Brassaï écoute Picasso ; mais Picasso est également intrigué par le talent de Brassaï, qui est selon lui un grand dessinateur. Le peintre ne comprend pas pourquoi il pratique ce « second métier », la photographie : « Vous avez une mine d'or et vous exploitez une mine de sel », lance-t-il au photographe. Les dessins de Brassaï représentent des nus féminins aux formes lourdes qui évoquent les vénus préhistoriques, stéatopyges, et renvoient également à ses sculptures, réalisées à partir de galets des gaves.
L'œuvre photographique de Brassaï est protéiforme : au même moment, il réalise ses images nocturnes, celles de graffitis, et les photographies des sculptures de Picasso. Mais à partir de 1935, il collabore aussi de façon régulière avec le magazine américain Harper's Bazaar, qui lui donne accès aux résidences de la haute société et aux soirées mondaines. Pour ce périodique, Brassaï réalise les portraits de nombreux artistes, dont Bonnard, Braque, Giacometti ou Matisse. Il voyage dans le sud de l'Europe, photographiant toujours spectacles et décors, la semaine sainte à Séville (1951) ou le parc de Bomarzo en Italie (1952). Il se rend encore en Turquie (1953), en Irlande et aux États-Unis (1957), au Brésil (1959) ainsi qu'en Grèce (1962).
Une première rétrospective de son œuvre est présentée en France, à la Bibliothèque nationale, en 1963. Le Museum of Modern Art de New York en organise une autre en 1968. Notons les expositions présentées à Houston (Texas) aux États-Unis, en 1998, à Paris, au Centre Georges-Pompidou, en 2000 et à l'Hôtel de Ville, en 2013. C'est au Centre Georges-Pompidou que la veuve de Brassaï a offert, en 2002, un ensemble important de négatifs, planches contacts, tirages originaux, sculptures et dessins.
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Écrit par
- Anne de MONDENARD : diplôme de l'École Louis-Lumière, diplôme de recherche de l'École du Louvre, responsable du fonds de photographie à la Médiathèque de l'architecture et du patrimoine, Paris
Classification
Média
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