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BOURGUIBA HABIB (1903-2000)

Habib Bourguiba, 1961 - crédits : Ron Case/ Hulton Archive/ Getty Images

Habib Bourguiba, 1961

De tous les hommes d'État d'une époque qui en vit paraître beaucoup de flamboyants ou d'abusifs, Habib Bourguiba est probablement celui dont le nom se confond le plus totalement avec la fondation et les premiers développements d'un État. Créateur de la première organisation qui posât avec sérieux le problème de l'indépendance tunisienne, chef de parti et d'insurrection, négociateur, prisonnier, fondateur de l'État, « combattant suprême » et guide incontesté, il aura de 1934 à 1987 dominé de sa puissante personnalité la vie du peuple tunisien et pendant un demi-siècle imprimé sa marque, pour le meilleur et pour le pire, sur le nouvel État.

Fondateur du Néo-Destour

Son origine le prédisposait à incarner la Tunisie moderne : Habib Bourguiba vient de la petite bourgeoisie rurale à demi ruinée par la concurrence de la colonisation, de cette région du Sahel, des « enfants de l'olivier », qui est le cœur même du pays. Son père, sans ressources, avait dû s'engager dans l'armée. Habib Bourguiba est né à Monastir en 1903, dernier d'une famille nombreuse. Avec l'aide pécuniaire de son frère aîné, il put faire des études sérieuses au collège Sadiki à Tunis, foyer de culture franco-arabe, puis à Paris, à la faculté de droit et à l'École libre des sciences politiques (1924-1927).

Quand, nanti de diplômes, séduit par la France et par son système politique, il retrouve la Tunisie, c'est pour constater le cruel décalage entre les principes libéraux, base de l'enseignement qu'il a reçu à Paris, et la pratique quotidienne coloniale. Très vite, il milite au sein du « Destour » (parti libéral constitutionnel), dont il découvre l'inefficience. En vue de le rajeunir et de le « muscler », il provoque une dissidence et convoque en 1934 à Ksar-Hellal un congrès où est fondé le Néo-Destour.

Le nouveau parti n'est plus aristocratique mais populaire ; il n'est plus urbain mais largement rural ; il refuse le « tout ou rien », et accepte la négociation avec le pouvoir colonial. Cette organisation restera longtemps le seul parti moderne du monde arabe, capable de faire passer la société musulmane de l'âge théologique à l'âge politique, et le groupe oriental du style de la caravane conduite par le « zaïm » prophétique, à celui de l'organisation de masse appuyant le leader politique. Bien sûr, le pouvoir de Bourguiba reste fondé sur des données charismatiques, mais son ascendant est désormais rationalisé.

Incarcéré à Marseille en 1938, il est libéré par les Allemands en 1942, il sait ne pas se laisser séduire par l'Axe et joue la carte des démocraties, ce qui lui vaut l'estime durable des Américains, mais non des Français, qui mettront longtemps à comprendre que, dans le monde arabe, il représente une chance exceptionnelle d'entente avec l'Occident.

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Habib Bourguiba, 1961 - crédits : Ron Case/ Hulton Archive/ Getty Images

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