HABITAT L'habitation africaine au sud du Sahara
Habitat et société ; habitation, confort et beauté
En Afrique, les « cubes » de construction varient, en taille et en nombre, en fonction de nombreux paramètres sociaux : le cliché de la « case ronde de 2 mètres de diamètre » est inexact, tant sont fortes les variations locales de plan et parfois d'élévation. Partout, cependant, les « cubes » de vie individuelle – il faut entendre par ce mot la plus petite cellule de vie concevable dans un organisme d'ensemble : deux, trois personnes le plus souvent – se regroupent en concessions (compounds en anglais) qui reflètent à la fois la parenté, le goût et la nécessité d'une vie conviviale entre parents, les formes diverses du mariage, d'héritage, des activités économiques très différentes. Dans ces concessions, la vie du groupe s'organise autour de quelques centres forts : la demeure de l'homme dominant, la cour centrale, l'enclos de protection du gros bétail ; autour de ceux-ci et selon les cas, tous les autres « cubes » sont implantés selon des dispositifs très variables : demeures « individuelles » hiérarchisées, greniers, poulaillers, etc. La concession est réaménagée régulièrement, en fonction des besoins du groupe qui l'a créée ; elle cesse d'être utilisable en cas de trop forte croissance démographique et entraîne la segmentation en d'autres groupes créateurs de nouvelles concessions ; elle peut aussi, par bourgeonnements proximaux, si l'espace ne lui est pas compté, constituer des ensembles, séparés par des cloisons, mais gardant une forme quelconque de parenté. Ce mode d'agencement est grand consommateur de superficies ; d'autant plus qu'on ajoute aux lieux de la vie quotidienne des humains ceux de leur production – jardins, terrains de parcours du bétail –, les points symboliques consacrés au religieux, les lieux de sépulture, les espaces réservés au passage des ancêtres – zones de contact avec l'invisible –, les lieux de réunion des vieillards ou des jeunes à initier ; ou encore un morceau, géré avec prudence, de forêt plus ou moins dense où ont lieu des activités essentielles à la vie du groupe. L'allure plus ou moins « éclatée », très étendue en superficie, des agglomérations africaines s'explique par là ; cet éclatement peut aller jusqu'à la dispersion des petits groupes de base – Lobi de Côte-d'Ivoire et du Burkina Faso ; Somba du Bénin et du Togo, habitants du Rwanda et du Burundi. Ces concessions peuvent aussi constituer des villes fortifiées – Yoruba du Nigeria – sans que changent fondamentalement, jusqu'à l'apparition des contraintes modernes – voirie, distribution d'électricité, d'eau –, des traditions longtemps satisfaisantes.
Les concessions ont des traits communs, plus ou moins développés en fonction de leur richesse et de leur puissance. L'un de ces traits consiste en une entrée unique, lieu de stationnement obligatoire pour les étrangers, située en fonction d'une symbolique de l'espace et prétexte à monumentalité et à décoration. La demeure « individuelle » est, elle-même, en situation symbolique et hiérarchique par rapport aux autres habitations, par rapport au corps humain, par rapport au monde invisible.
La beauté de la décoration externe et interne des demeures africaines est reconnue largement : lignes architecturales soulignées par des moulures de terre séparant des registres, à décor gravé dans la terre et peint, et des zones sans décor (Burkina Faso), peintures aux couleurs vives longtemps obtenues à partir de végétaux ou de minéraux locaux (de la Mauritanie à la Nubie, du Sénégal au Nigeria), décors de terre géométriques (Hausa) ou naturalistes (Côte-d'Ivoire), peints ou non, tressage des végétaux, mosaïques de coquillages, sculptures sur bois pour les linteaux, les portes[...]
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Écrit par
- Jean DEVISSE : professeur émérite à l'université de Paris-I
Classification
Médias
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