HABITAT
Contraintes naturelles et formes culturelles
Il est tentant d'expliquer les formes et les types d'habitation par des facteurs environnementaux, d'une part – climat, relief, nature du sol et matériaux disponibles –, et par le degré de développement technique, de l'autre. En fait, l'étude comparée d'habitations existant sous des climats identiques et pour des populations au mode de vie semblable montre les limites des explications déterministes. La coexistence dans le nord de l'Afghanistan de la tente noire en poil de chèvre chez les éleveurs pachtouns et de la yourte à couvert de feutre chez les éleveurs turcophones obéit davantage à des traditions culturelles propres à chacun de ces groupes ethniques qu'à des contraintes climatiques ou techniques.
Dans le sud de l'Asie, se rencontrent pour un climat semblable et dans des populations pratiquant une agriculture de même type des habitations sur pilotis aux cloisons ajourées facilitant l'aération et des maisons aux murs massifs, différence due à des facteurs religieux, l'islam protégeant le monde domestique et féminin de tout regard extérieur. Enfin le succès du béton et de la tôle ondulée dans les sociétés agraires du Tiers Monde est en partie lié à l'ascendant (regrettable) des modes occidentales.
Il faut aussi remettre en question la notion de besoins fondamentaux universaux, tels que l'espace minimal mesuré en mètres cubes, la température optimale, le besoin d'intimité. Cette notion de besoin n'est définissable qu'à partir d'une culture donnée, dans un contexte donné. Dans le cas de la maison collective de l'Amérique amazonienne, la maloca, c'est la position de l'individu tourné ou non vers l'extérieur qui crée ou abolit l'espace privé, alors que l'habitation musulmane du Moyen-Orient prévoit une suite d'écrans physiques entre le monde extérieur et les femmes de la maison.
Loin d'être déterminants, climat, matériaux et techniques sont, par rapport aux types d'habitation, des facteurs limitatifs et, comme le dit A. Rapoport, finalement secondaires face à la primauté des facteurs socio-culturels.
L'extrême relativisme de Rapoport ne doit cependant pas nous faire oublier que l'histoire de l'habitation n'est pas indépendante de celle des sociétés humaines. Sans tomber dans un évolutionnisme linéaire où l'on verrait apparaître, après les premiers abris absolument dépendants du matériau accessible, des structures de plus en plus complexes et de plus en plus libérées des contraintes physiques, il faut considérer l'habitation en relation avec le développement des forces productives d'une société donnée et avec la complexité croissante de son organisation. Remarquons la tendance à la spécialisation des bâtiments, qui peut être due à des configurations culturelles ou socio-économiques particulières plutôt qu'aux stades d'une évolution. Une autre forme de spécialisation apparaît liée à la complexité sociale : celle qui se traduit par l'apparition de spécialistes dans la construction et la présence de nombreux types de bâtiment correspondant à des statuts ou à des fonctions différents.
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Écrit par
- Pierre CENTLIVRES : professeur à l'université de Neuchâtel et directeur de l'Institut d'ethnologie
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Média
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