HABSBOURG
La monarchie universelle : l'empire de Charles Quint (1519-1555)
La monarchie universelle était bien le but de Frédéric III, qui l'exprima dans sa devise A.E.I.O.U. (Austriae est imperare orbi universo. Il appartient à l'Autriche de régner sur tout l'univers). Élu empereur en 1440 pour défendre les intérêts de la chrétienté et des princes allemands en Europe orientale, il ne ressemblait guère à son illustre ancêtre du xiiie siècle. Il inaugure la longue série des Habsbourg qui surent triompher de l'adversité par la patience et l'immobilisme ; comme plus tard Rodolphe II, Léopold Ier ou François II, il temporisa, quitte à être considéré sur le moment comme un médiocre souverain. Battu par le roi de HongrieMathias Corvin, chassé de Vienne, sa capitale, qui aurait pu prévoir que son arrière-petit-fils serait Charles Quint ? Taciturne, hostile aux aventures guerrières, mais tenace, il fit pourtant la fortune de la dynastie en mariant son fils Maximilien avec l'orpheline de Malines, Marie de Bourgogne. La mort de Charles le Téméraire devant Nancy en 1477 ne devait pas profiter aux Valois, malgré l'habile politique de Louis XI. Par son mariage, Marie de Bourgogne apportait aux Habsbourg les Pays-Bas, qui ne leur échapperont définitivement qu'à la fin du xviiie siècle, brouillant pour près de trois siècles les maisons de France et d'Autriche. Désormais le processus des unions dynastiques est amorcé, justifiant la formule célèbre Bella gerant alii ; tu, felix Austria, nube (que d'autres fassent la guerre ; toi, heureuse Autriche, conclus des mariages). En effet, Maximilien unissait son fils Philippe le Beau à l'héritière des Rois Catholiques, l'infante Jeanne, tandis que, par le traité de Vienne de 1515, il préparait la mainmise de la maison d'Autriche sur les royaumes de Bohême et de Hongrie. Prodigieuse ascension en vérité qui mit une famille princière allemande à la tête d'un empire mondial sans recourir aux guerres de conquête. Certes Maximilien, « le dernier chevalier du Moyen Âge », eut à disputer aux Valois héritage bourguignon et possessions italiennes, mais jamais aucun territoire ne tomba sous son autorité par droit de conquête. Les populations éprouvaient donc le sentiment que le souverain Habsbourg était l'héritier du souverain légitime et qu'il représentait l'autorité légale, à laquelle il convenait d'obéir. Les plus grandes difficultés provinrent d'une aristocratie cosmopolite qui essayait de s'imposer aux élites locales avant de s'y intégrer par mariage.
C'est pourquoi, jusqu'à 1555, un seul homme put tenter de gouverner les Pays-Bas, l'Espagne, la majeure partie de l'Italie et de l'Allemagne, ainsi que le Nouveau Monde, sans disposer d'un véritable gouvernement centralisé. S'inspirant du modèle bourguignon, Maximilien avait bien essayé de mettre de l'ordre dans le gouvernement de l'Allemagne, mais ses réformes n'aboutirent vraiment que dans les États héréditaires ; Charles Quint, élu empereur en 1519, à la mort de son grand-père Maximilien Ier, abandonne, dès 1522, les provinces danubiennes à son cadet Ferdinand. Charles Quint, qui se sentait plutôt « bourguignon » (élevé aux Pays-Bas, il était de langue française), n'attribua jamais de capitale à ses États ; éternel voyageur, il laissait à chacune de ses possessions sa propre administration, son propre gouvernement et s'entourait, quant à lui, de conseillers bourguignons et italiens. Son tort fut peut-être de vouloir défendre des valeurs que ses contemporains avaient déjà mises en question. Il se heurta aux nationalismes naissants, en France comme en Allemagne, et ne put rétablir l'unité politique de la chrétienté, en dépit d'éclatantes victoires militaires sur le roi de France ou sur les princes allemands.[...]
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Écrit par
- Jean BÉRENGER : professeur émérite à l'université de Paris-IV-Sorbonne
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