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HADEWIJCH (mil. XIIIe s.)

Poétesse et mystique flamande de la première moitié du xiiie siècle, Hadewijch est l'auteur de poèmes d'inspiration courtoise, de lettres et de visions où l'amour, traité en thème privilégié, tend à se substituer à Dieu, au terme d'une expérience extatique dont l'expression passionnelle est rendue avec une particulière sensualité.

Les lacunes de sa biographie ont souvent permis de ranger Hadewijch parmi les mystiques de l'orthodoxie chrétienne. Pourtant, rien n'autorise à prétendre qu'elle fût moniale ou béguine. L'origine anversoise qui lui est attribuée date du xive siècle. Sa langue est brabançonne et sa parfaite connaissance de l'œuvre des troubadours accrédite l'hypothèse de Joseph Van Mierlo (De visioenen van Hadewijch, Louvain, 1924-1925) selon laquelle elle aurait appartenu à la classe aristocratique. Il y a tout lieu de croire que sa production littéraire s'échelonne de 1220 à 1240 environ. En tout cas, sa Liste des parfaits amants, qui succède à la treizième vision et mentionne la béguine Aleydis « que maître Robert fit mourir pour son juste amour », a été rédigée entre 1236, date d'exécution d'Aleydis à Cambrai, et 1239, année où fut destitué l'inquisiteur Robert le Bougre.

L'œuvre comprend 45 poésies strophiques, 29 poésies nouvelles d'inspiration courtoise, 31 lettres, parmi lesquelles certaines s'apparentent à de petits traités (dont l'un sur le baiser spirituel) et 13 visions, augmentées d'une Liste des parfaits amants. Celle-ci compte 107 noms, dont 57 contemporains de Hadewijch. La plupart n'ont pas été identifiés, mais outre Aleydis, suspectée de sympathies amauriciennes, on y trouve un nommé Constant « qui vécut pendant neuf ans à quatre pattes sur mains et pieds comme une bête » et une béguine du nom de Dine à qui, selon P. C. Boeren (Hadewijch en Heer Hendrik van Breda, Leyde, 1962), Nicolas von Bibra reproche la perte de sa virginité. Hadewijch s'y réfère à un groupe, les Nuwen (nouveaux), qu'elle oppose aux Vremden (étrangers), comme, un demi-siècle plus tard, Marguerite Porète, au nom d'Église-la-Grande, où Dieu se fait Amour, raillera Église-la-Petite, celle des « ânes très ânes ».

L'œuvre de Hadewijch s'inscrit pour une part dans la ligne des visions béatifiques, telles que les illustrent plusieurs moniales du temps, souvent d'obédience cistercienne, mais sa thèse du « pur amour » va bien au-delà et annonce le Miroir des simples âmes de Marguerite Porète. Si Paul Fredericq a pu confondre à tort Hadewijch et Bloemardinne (morte en 1335), c'est que transparaît, chez l'une comme chez l'autre, l'assimilation de l'amour séraphique à l'amour charnel. La célébration de Hadewijch par le mystique orthodoxe Jan Ruysbroeck, ses attaques contre Bloemardinne, qu'il ne nomme jamais, et la destruction de tous les écrits de celle-ci ne suggèrent-elles pas, selon une tactique traditionnelle, la convergence de la récupération et du silence ?

Certains exégètes, embarrassés par le mélange de prudence et d'audace, ont parlé d'une Hadewijch II (J.-B. Porion, Hadewijch d'Anvers, Paris, 1954). C'est possible. Il convient néanmoins de ne pas séparer de l'érotique des troubadours l'exigence d'un amour affiné jusqu'à l'absolu.

« L'Amour, écrit Hadewijch, n'est justiciable de personne, mais tout est justiciable de lui. » « Sans nul pourquoi », il se confond avec un flux éternel auquel tentent de s'identifier les parfaits amants. Bien que Hadewijch n'insiste pas sur l'impeccabilité inhérente, chez Porète, à l'état de perfection, elle n'en réduit pas moins Dieu et sa création à la permanente manifestation de l'amour. Ainsi, dans la parabole des heures de la [...]

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