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HAECKEL ERNST HEINRICH (1834-1919)

Une interprétation évolutionniste de la forme des organismes

Sur un plan purement scientifique, il s’intéresse à la morphologie des organismes, qu’il tente d’expliquer à la lumière de la théorie de l’évolution, interprétant dans ce sens les données de l’anatomie et de l’embryologie comparées. Dès 1862, il publie ainsi une monographie superbement illustrée sur les radiolaires (Die Radiolarien), animaux unicellulaires (protozoaires) dans lesquels il voit des formes vivantes à la fois primitives et morphologiquement très variées et élaborées, susceptibles selon lui d’éclairer les premières étapes de l’évolution de la vie.

Mais c’est surtout dans sa monumentale « Morphologie générale des organismes » (Generelle Morphologie der Organismen), publiée en 1866, qu’il développe ses vues sur l’évolution. Dans cet ouvrage, il reformule en des termes transformistes une idée ancienne, héritée de la Naturphilosophie, celle d’un parallélisme entre les étapes du développement embryonnaire et les différents degrés de la « grande chaîne de la nature ». Cette correspondance est le fondement de ce qu’il appelle la « loi biogénétique fondamentale », plus connue par la suite comme la « loi de la récapitulation », et qui peut se résumer par la célèbre formule : l’ontogenèse (c’est-à-dire le développement embryonnaire) récapitule la phylogenèse (la lignée dont est issue l’espèce considérée). Selon cette loi, par exemple, un embryon humain traverserait un stade unicellulaire, puis « ver », « insecte », « poisson », « amphibien », etc., avant de parvenir à son état final d’être humain.

Il convient de souligner que, tout en affirmant à maintes reprises son attachement à la pensée de Darwin et à la notion de sélection naturelle, Haeckel défend une conception de l’évolution sensiblement différente, plus proche en réalité du lamarckisme. En particulier, son idée de récapitulation s’accorde assez mal avec celle de variation aléatoire (qui est essentielle dans le darwinisme) et suggère plutôt une évolution orientée, avec complexification croissante des formes : chaque étape évolutive correspond à l’addition d’un nouveau stade de développement et donc, en quelque sorte, à un progrès. À cet égard, Haeckel va contribuer, paradoxalement, à freiner l’acceptation de l’idée la plus originale de Darwin, c’est-à-dire l’accent mis sur le rôle du hasard dans le processus évolutif par variation et sélection.

Divers stades embryonnaires de vertébrés - crédits : Wellcome Collection, CC BY

Divers stades embryonnaires de vertébrés

La théorie de la récapitulation est critiquée très tôt par certains biologistes (de fait, Haeckel prend un certain nombre de libertés avec les observations) et sera par la suite abandonnée, même si l’idée d’un rapport plus général entre développement et évolution subsiste dans la biologie actuelle. Elle n’en connaît pas moins, des années 1860 aux premières décennies du xxe siècle, un succès considérable qui s’explique notamment par le fait qu’elle ouvre la voie à de nombreux programmes de recherche. En effet, si on l’admet, il est possible de reconstituer l’histoire évolutive des êtres vivants à partir d’une simple comparaison du développement embryonnaire des espèces actuelles. Haeckel lui-même va entreprendre plusieurs études importantes de ce type, sur divers organismes, afin de confirmer et d’appliquer sa théorie.

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Méduses - crédits : BnF, Estampes et photographie,  cote : HD-77 (F)-PET FOL [planche 8]

Méduses

Divers stades embryonnaires de vertébrés - crédits : Wellcome Collection, CC BY

Divers stades embryonnaires de vertébrés

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