HAECKEL ERNST HEINRICH (1834-1919)
Des éponges à l’homme
L’un de ses travaux les plus marquants consiste en une vaste monographie illustrée sur les éponges calcaires, publiée en 1872 (Die Kalkschwämme. Eine Monographie). Cet ouvrage est en grande partie consacré à une description extrêmement détaillée de ce groupe d’éponges, mais il comprend également des réflexions plus générales. En particulier, Haeckel constate que tous les animaux métazoaires, aussi bien les éponges, qui sont les plus simples d’entre eux, que des formes beaucoup plus complexes, telles que les vertébrés, présentent un stade embryonnaire précoce, appelé « gastrula », composé d’une simple vésicule subissant une invagination. En application de la loi biogénétique fondamentale, il postule donc l’existence d’un lointain ancêtre commun à tous ces animaux, équivalant à cette gastrula, et qu’il appelle par analogie la « Gastraea ». Cette théorie de la Gastraea, que Haeckel expose de manière détaillée et approfondie dans un article de 1874, va constituer des décennies durant un modèle de son approche, consistant à utiliser les rapports entre développement et évolution pour reconstituer l’arbre évolutif du vivant. Elle va également avoir d’importantes conséquences en zoologie, en particulier une réorganisation profonde de la systématique animale, la définition des grands phylums étant désormais fondée sur des critères principalement embryologiques (comme le nombre de feuillets germinaux).
Haeckel applique sa méthode à tous les organismes et s’efforce de reconstituer précisément les lignées phylogénétiques qui mènent à tous les êtres vivants présents actuellement sur Terre. Pour représenter les liens généalogiques entre les différents groupes, il a fréquemment recours à des arbres phylogénétiques, un type de figure qu’il popularise considérablement dans ses ouvrages et qui va jouer dès lors un rôle très important dans la culture visuelle associée à la théorie de l’évolution.
Il s’intéresse particulièrement au cas de l’espèce humaine, à laquelle il consacre un ouvrage dont la première édition paraît en 1874 (AnthropogenieoderEntwickelungsgeschichte des Menschen) et qui va connaître un très grand succès (il sera traduit dans plusieurs langues, dont le français). Il y retrace l’histoire évolutive de l’homme, mais propose aussi une généalogie des différentes « races » humaines en les hiérarchisant, des plus « primitives » aux plus « évoluées », et établit un scénario précis de leur origine et de leur répartition à la surface du globe. Non seulement ces hypothèses connaissent un grand retentissement, mais elles suscitent de nombreux travaux et renforcent considérablement et durablement les théories racistes qui prospèrent alors dans l’Europe en pleine expansion coloniale. Si Haeckel n’est pas lui-même, à proprement parler, un partisan de l’eugénisme, ses écrits vont inspirer les eugénistes du xxe siècle.
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Écrit par
- Stéphane SCHMITT : directeur de recherche au CNRS
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