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HAKUIN (1685-1768)

Le moine-peintre

Maître du haiku (poème de dix-sept syllabes), Hakuin fut aussi un calligraphe de talent et semble s'être exercé tardivement à l'art de peindre. La plupart de ses œuvres ne sont pas datées et l'on commence seulement à en établir la chronologie.

Dans ses calligraphies, d'une grande vigueur, on décèle l'influence des moines chinois de la secte zen Obaku qui, en 1659, avaient été autorisés à s'établir au Mampukuji, près d'Uji. Ceux-ci lui firent connaître l'écriture des Ming et de certains « excentriques » chinois du xviie siècle. Il est considéré au Japon comme le maître du kaishō (écriture carrée). Cependant son style resta très personnel. Son pinceau attaque le papier avec violence. Souvent très chargé d'encre, il laisse autour des traits une sorte de buée, que le papier encollé n'a pas complètement absorbée. Il s'agit fréquemment d'un seul caractère qui suffit à évoquer un thème de méditation, tel mu – rien, ou le vide –, synthèse de toutes les contradictions qui sont résolues dans l'Illumination. Des calligraphies accompagnent aussi sous forme de poèmes ou d'adages la plupart de ses peintures.

Ses premières œuvres peintes ne semblent pas remonter au-delà de 1740. On sait qu'il a, à ce moment, rencontré Kanō Tanyū, dont une des œuvres porte une inscription de sa main. Mais on ignore si l'influence de ce maître s'est exercée sur lui. Une de ses premières peintures, le portrait de Shoku Kojin à qui il avait succédé au Myōshinji, est finement tracée à la mode de son temps. Un autre portrait qu'il peignit vers la cinquantaine, celui de Yoshun Wajō au Ryōzenji, révèle un pinceau fin et peu chargé d'encre. C'est vers 1760, semble-t-il, qu'il trouva une manière très personnelle avec des traits largement brossés, des noirs épais et des déformations allusives. Ses thèmes sont variés : paysages, portraits, objets usuels ou divinités, mais tous ont une portée édifiante et tendent à transmettre un message rendu plus sensible par le commentaire qui les accompagne. Il ne recherche pas la beauté, car celui qui atteint l'Illumination est parvenu au-delà du Bien et du Mal, du Beau et du Laid.

Ses portraits de grands moines, ses représentations de Bodhidharma, fondateur du Zen, se distinguent par une tendance presque caricaturale et souvent empreinte d'humour. Les personnages, de profil ou de trois quarts, ont des yeux très caractéristiques, la pupille très noire se détache sur la cornée très blanche et très grande.

Hakuin a repris certains thèmes song, tel celui du singe suspendu à une branche et tentant d'attraper dans l'eau le reflet de la lune ; un poème l'accompagne :

Il continuera jusqu'à la mort S'il lâche (la branche), il tombera au fond La lumière brille, claire, dans toutes les directions.

Les objets usuels, pilon, chandelier, les symboles populaires sont utilisés pour frapper les imaginations.

Bon nombre de ses œuvres sont restées dans des monastères, mais d'autres étaient destinées au tokonoma des chashitsu (pavillon de thé) et évoquent, tout à la fois, l'atmosphère détendue et hors du temps qui règne au cours des cérémonies du thé et le goût de la bourgeoisie du temps.

Certains de ses disciples se sont aussi distingués dans l'art de peindre, tel Suiō Eiboku (1716-1789), qui avait été l'élève d'Ike no Taiga avant de se joindre à la communauté du Shōinji, et Tōrei Enji (1721-1792), abbé du Ryōtakuji.

— Madeleine PAUL-DAVID

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Écrit par

  • : ancien maître de recherche au CNRS, professeure honoraire à l'École du Louvre, chargée de mission au Musée national des arts asiatiques-Guimet

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