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HAMLET, William Shakespeare Fiche de lecture

Le principe d'ambiguïté

Les nombreuses digressions – qu'il s'agisse des scènes apparemment peu en rapport avec les deux intrigues de vengeance ou des longs monologues métaphysiques d'Hamlet – tendent à diluer l'action, concentrée à l'acte V. Mais ces digressions renforcent l'unité thématique et métaphorique de la pièce par les effets d'échos, de parallélismes et d'oppositions, comme les thèmes de l'espionnage et de l'incertitude. Toute la pièce semble de fait obéir à un principe d'ambiguïté. Les personnages, d'abord, demeurent à nos yeux presque indécidables : ainsi, si Hamlet est bien le héros positif de la pièce, il peut faire preuve d'un cynisme troublant, en sacrifiant ses amis d'enfance, Rosencrantz et Guilderstern, ou même Ophélie, ou encore en riant de la mort de Polonius. Claudius, fratricide et usurpateur, est aussi un bon roi, soucieux de la paix du royaume. Quant à Gertrude, mère inquiète et aimante, elle est aussi une femme faible peu fidèle à la mémoire du père. L'opportuniste Fortinbras, rebelle contre le Danemark rallié par raccroc, est-il le seul héritier légitime ou détourne-t-il avec habileté la situation à son profit pour s'approprier le pouvoir ? Réflexion sur le pouvoir et l'attrait qu'il suscite, la pièce démontre de fait la parenté qui existe entre le théâtre et le gouvernement de l'État : Fortinbras, comme Claudius, sera sans doute un disciple de Machiavel, puisque, dans les dernières lignes, le dénouement, particulièrement ambigu, le montre mettant en scène les funérailles d'Hamlet pour exploiter le soutien populaire dont bénéficiait ce dernier.

Ce principe d'ambiguïté s'applique à la signification même de la tragédie. Hamlet est, à un premier niveau, la subversion d'une tragédie de vengeance : contrairement à Laerte, justicier dominé par l'indignation, Hamlet place au cœur de ses hésitations l'opposition entre l'éthique expéditive de la vengeance, fondée sur l'individualisme et le mépris des lois, et une éthique chrétienne doublée de l'obéissance aux lois civiles, qui interdisent tout meurtre. Par là-même, la pièce devient une tragédie de l'attente, une quête métaphysique du sens dans un monde qu'Hamlet voit dominé par l'incertitude et la déréliction. Le dénouement lui-même confirme l'indétermination fondamentale : Hamlet n'accomplit sa vengeance que grâce à celle de Laerte, dont il a provoqué le courroux par hasard. Nul destin d'ordre supérieur ne vient donner tout son sens à cette fin, qui aurait pu, sans les effets à retardement du poison, voir la réconciliation des deux héros.

Plus fondamentalement, la pièce peut se lire comme une vaste méditation sur la mort, qui dialectise un parcours individuel, de l'impossible deuil du père à l'angoissante réflexion sur la mort, ce voyage vers l'inconnu, pour arriver à l'acceptation sereine par le héros de sa propre mort : « Si c'est pour maintenant, ce n'est pas à venir ; si ce n'est pas à venir, c'est pour maintenant ; si ce n'est pas pour maintenant, cela viendra tout de même. Le tout est d'être prêt » (acte V, scène 2).

Parmi les nombreuses adaptations de Hamlet au cinéma, signalons celles de Lawrence Olivier (1948) et de Gregori Kozintsev (1964).

— Line COTTEGNIES

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Écrit par

  • : agrégée d'anglais, ancienne élève de l'École normale supérieure de Fontenay-Saint-Cloud, maître de conférences à l'université de Paris-VIII-Saint-Denis

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Média

William Shakespeare - crédits : Fine Art Images/ Heritage Images/ Getty Images

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