HANA-BI, film de Takeshi Kitano
Né en 1947, Kitano s'est d'abord fait connaître au Japon dans un duo comique de music-hall, « The Two Beats ». Il est passé à la télévision avec autant de succès, et a fait ses débuts au cinéma en jouant dans Furyo, de Nagisa Oshima (1983), avant de réaliser son premier film en 1989, Violent Cop. Il signe désormais « Beat » Takeshi ses participations en tant qu'acteur en souvenir de ses débuts, et Kitano Takeshi ses mises en scène... Les films de gangsters où il promène son visage impassible et sa démarche de canard connaissent progressivement le succès hors du Japon : ils mélangent une violence typique du film de yakuza avec une désinvolture ironique qui n'est pas sans rappeler Seijun Suzuki ou le maniérisme des westerns spaghetti que remettra à la mode Quentin Tarantino. Mais Kitano délaisse rapidement cette routine du film de gangsters postmoderne au profit d'un cinéma des « situations optiques et sonores pures », comme dit Gilles Deleuze. Épurant son style, il retrouve l'habitude chère à Yasujiro Ozu de s'attarder sur des petits riens en ponctuant chaque scène de respirations graphiques en forme de natures mortes, ainsi que le goût de Michelangelo Antonioni pour l'avant et l'après des événements (particulièrement radical dans L'Été de Kikujiro, en 1999). Il se met également à donner sa propre lecture d'autres genres japonais que le film de yakuza : Dolls (2002) s'articule autour du théâtre bunraku, et Zatōichi (2003) rend un affectueux hommage aux films de samouraï d'Akira Kurosawa, s'offrant le luxe de finir sur un remake hollywoodien de la « Danse du feu », fameuse séquence de La Forteresse cachée (1958).
Des remords et des regrets
M. Nishi, lieutenant de police à Tokyo, est cerné par le malheur. Son épouse arrive à la phase terminale d'une maladie incurable et la fille qu'ils ont eue est morte à l'âge de cinq ans. Il y a aussi les infortunes dont il se sent responsable : à cause d'un excès de confiance en soi, il a provoqué la mort d'un collègue et l'infirmité de son ami Horibe. M. Nishi était certain, pourtant, de réussir à maîtriser ce dangereux criminel, mais dans le feu de l'action plusieurs coups de revolver ont été échangés, et voici Horibe condamné à passer le reste de ses jours dans un fauteuil roulant. À côté de tous ces remords et ces regrets, les ennuis que lui causent les yakuzas depuis qu'il a démissionné de la police ne sont que broutilles... Un jour, parce que ça ne peut plus durer, M. Nishi attaque une banque. Avec le butin il fait des cadeaux à ceux dont il a indirectement brisé la vie, et emmène son épouse en voyage, de la mer à la montagne le temps d'une ultime poignée de jours heureux – « ce n'est pas parce qu'une fleur est fanée qu'il faut cesser de l'arroser ».
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Écrit par
- Laurent JULLIER : professeur à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle
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