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HANA-BI, film de Takeshi Kitano

Des fleurs et du feu

« Hana-bi » signifie « feu d'artifice » et ce nom se décompose en deux kanji qui signifient respectivement « fleur » et « feu ». Ainsi le film combine-t-il une partie « fleur », contemplative, construite autour de l'apprenti-peintre et de la mourante, à une partie « feu », violente, construite autour des mauvais souvenirs et des yakuzas. Si elle ne confinait à l'éclectisme postmoderne, on pourrait ranger également sous la coupe dialectique la conception clivée de la mise en scène, qui fait suivre un plan fixe « à la Ozu » par une acrobatie de caméra démarrant en plongée totale « à la Tarantino ». Tout aussi ludique (plus que dialectique), cet autre parti pris qui consiste à filmer la violence de façon naturaliste (les jets de sang) et la maladie en rose bonbon (les belles joues de Mme Nishi à quelques jours de sa mort). La musique, en revanche, nappe feux et fleurs d'une suite de mélodies construites exclusivement sur quelques accords parfaits, équivalents sonores des dessins naïfs dont les apparitions ponctuent le film (on sait que le « temps de l'innocence » est cher aux postmodernes).

Ces choix réunis composent une stratégie de renouvellement de la narration. Comment s'y prendre, comment raconter un hold-up quand le spectateur en a déjà vu des centaines à l'écran ? Kitano s'intéresse de près à la question des clichés, du moins nous le suggère-t-il lorsque Horibe se demande s'il est nécessaire ou non de porter un « béret d'artiste » pour devenir peintre. Une déconstruction modérée caractérisera le récit : les événements apparaissent en bribes et dans le désordre, au spectateur ensuite de faire le nécessaire pour obtenir un tout cohérent (sur le modèle de Mme Nishi jouant au tangram). Mais le choix de donner pour titre au film ce qui ne désigne qu'une minuscule péripétie – le feu d'artifice que lance M. Nishi sur la plage pour amuser son épouse – signale également la volonté de montrer l'à-côté, l'entre-deux, la partie plutôt que le tout. Les policiers parlent davantage des brioches achetées au snack du coin que des enquêtes en cours, et c'est le geste le plus banal qui est chargé de dire les choses les plus graves, quitte à faire durer le plan aussi longtemps que dans un film de Jean-Pierre Melville.

— Laurent JULLIER

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle

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