HANGZHOU [HANG-TCHEOU]
Capitale de la province chinoise du Zhejiang, la ville (6,6 millions d'habitants en 2006) est située au fond de l'estuaire du Qiantangjiang sur une bande alluviale qui s'est édifiée à l'entrée d'une ancienne baie, peut-être aux environs du début de notre ère. Elle est encadrée par le célèbre lac de l'Ouest et, au sud-est, par le fleuve Qiantang (ou Zhejiang). Elle n'est pas de fondation ancienne : son développement est contemporain de celui du bas Yangzi à l'époque des dynasties du Sud et du Nord (iiie-vie s.), et a surtout bénéficié de la construction de la branche sud du Grand Canal (610), dont elle est le terminus. Hangzhou est un centre administratif et commercial important sous les Sui et les Tang. Les premiers travaux d'endigage intérieur permettant de contrôler les eaux du lac de l'Ouest datent de cette époque et sont toujours visibles (digue attribuée au poète Bai Juyi, nommé préfet de Hangzhou en 824). En 910, après plusieurs tentatives, la ville est mise à l'abri des tempêtes, et surtout du fameux mascaret d'équinoxe, qui soulève les eaux de l'estuaire, grâce à la construction d'une digue maritime en pierre longue de 80 kilomètres environ ; agrandi et aménagé à maintes reprises, l'ouvrage acquerra sa configuration définitive (parement extérieur en pierres de taille disposées en escalier) au xvie siècle.
Capitale du royaume prospère de Wu-Yue au xe siècle, la ville est sous les Song du Nord un port important dont le commerce d'outre-mer est contrôlé par un de ces « commissariats aux douanes » (shibosi) dont le gouvernement tire une part notable de ses revenus. Mais l'apogée de Hangzhou (alors appelée Lin'an) se situe sous les Song du Sud (1127-1279). Chassée de la grande plaine du Nord, la dynastie choisit ce site hors d'atteinte des raids de la cavalerie Jurchen, mais directement à portée de la riche plaine du Jiangnan, comme « capitale provisoire » (xingzai, le Kinsai de Marco Polo). L'empereur et le gouvernement s'installent au sud de la ville, sur la colline du Phénix. L'agglomération passe d'environ un demi-million d'habitants au milieu du xiie siècle à un million, voire un million et demi d'âmes à la veille de la chute des Song. C'est alors une prodigieuse concentration d'hommes, de talents et de richesses. Marco Polo et Ibn Battuta, qui en ont donné des descriptions célèbres (mais pas nécessairement de visu dans le cas de Polo) au lendemain de la conquête mongole, en parlent comme de la plus grande et de la plus opulente cité du monde. Plusieurs sources permettent de se figurer avec précision comment elle était gérée et approvisionnée (au moins une dizaine de grands marchés débordant de victuailles de toutes sortes et desservis par un réseau de canaux, un système remarquable de protection contre les incendies, etc.), et comment on y vivait (maisons à plusieurs étages avec boutiques au rez-de-chaussée, résidences des riches et des puissants concentrées dans le quartier du Palais, quartiers de plaisir, lieux de distraction comme le lac de l'Ouest). À la suite de Kaifeng, Hangzhou est aussi le lieu d'une certaine culture urbaine (cabarets, théâtres, conteurs...) appelée à un brillant développement dans tous les pays du bas Yangzi.
La conquête mongole garde intacte cette cité qu'un dicton datant des Song qualifie (avec Suzhou) de paradis sur terre, et qui ne peut que profiter du cosmopolitisme et de l'ouverture au commerce étranger de l'empire des Yuan. Hangzhou reste un centre administratif, économique et intellectuel important sous les Ming et les Qing. Les soieries prospèrent avec la présence des tissages impériaux (les bords du lac Tai, un peu au nord, sont une grande région de sériciculture). À la fin du xviie siècle et au xviiie, les empereurs Kangxi[...]
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Écrit par
- Pierre-Étienne WILL : directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales
Classification
Médias
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