KUREISHI HANIF (1954- )
Hanif Kureishi est né en 1954 à Londres d'un père pakistanais et d'une mère britannique. Pendant plus de quarante années, sa production en tant que dramaturge, scénariste, romancier, nouvelliste et essayiste s'est illustrée par une exploration de sujets à la fois personnels et politiques : les classes sociales, le racisme ordinaire, l'identité nationale et le fondamentalisme religieux inspirent autant l'écrivain que la nature de l'amour, du désir et de la sexualité, la complexité des relations familiales, la construction de l'identité sexuée et les nouvelles formes de masculinité. Son œuvre, couronnée par le prix Harold Pinter de la fondation PEN en 2010, diffère de celle d'écrivains tels que Salman Rushdie ou V. S. Naipaul dans la mesure où elle n'est guère portée par un élan nostalgique pour les racines paternelles, même si l'auteur aborde des questions relatives à l'ethnicité et aux difficultés d'intégration rencontrées par les migrants.
« Anglais de souche, enfin presque »
Après des études de philosophie au King's College de Londres, Hanif Kureishi commença sa carrière comme dramaturge et scénariste au début des années 1980 en abordant des thèmes tels que la marginalité et la pauvreté, l'immigration et le racisme, les différences sexuelles et les tensions entre la communauté et l'individu. Thèmes qui referont surface dans ses cinq romans et ses trois recueils de nouvelles. Ses pièces plus récentes, The Mother (2003) – adaptée au cinéma par Roger Michell – et Quand vient la nuit (2003), dénouent les liens familiaux et mettent en scène des personnages vieillissants qui cherchent à s'inventer une nouvelle vie ou bien sont rattrapés par leur passé violent. C'est grâce au film MyBeautifulLaundrette (1985), dont il signa le scénario et qui fut réalisé par Stephen Frears, que Kureishi fut découvert par le grand public. Le film dépeint la relation entre deux jeunes hommes, l'un pakistanais, l'autre anglais. Il fut autant célébré que critiqué pour sa peinture sans concession de la communauté indienne et pakistanaise à Londres, et son traitement de la relation homosexuelle entre les deux personnages. Son scénario suivant, Sammy et Rosie s'envoient en l'air (1988), également réalisé par Stephen Frears, aborde le thème des mélanges interraciaux et du nationalisme sur fond de précarité. Quant à London Kills Me (1991), que Kureishi porta lui-même à l'écran, il reflète sa fascination pour Londres et la culture pop qui forment également la toile de fond de son premier roman, Le Bouddha de banlieue (1990), ainsi que de Black Album (1995).
La première phrase pleine d'humour du Bouddha de banlieue – « Je m'appelle Karim Amir et je suis anglais de souche, enfin presque » – souligne d'emblée la difficulté du personnage à définir précisément les contours de son identité tant personnelle que nationale dans une société qui vit au quotidien les conséquences du démantèlement de l'empire colonial. Le roman se situe dans les années 1970, au moment de la montée en puissance du parti nationaliste britannique et de la mise en place d'une politique d'immigration très stricte, décennie qui vit aussi la défaite du parti travailliste et l'arrivée au pouvoir de Margaret Thatcher. C'est sur cet arrière-plan politique et social que Karim va découvrir diverses formes d'amour mais aussi de désenchantement. Hanif Kureishi sait jouer des outils de l'ironie, de la farce et de la comédie pour mettre en évidence les contradictions de la société britannique et les compromis auxquels sont réduits les individus. À l'instar des œuvres de Salman Rushdie, Zadie Smith, Andrea Levy ou Monica Ali, ce roman d'apprentissage aux élans picaresques pose les fondations d'une nouvelle anglicité[...]
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Écrit par
- Vanessa GUIGNERY : habilitée à diriger des recherches en études anglophones, professeure des Universités à l'École normale supérieure de Lyon
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