DARBOVEN HANNE (1941-2009)
Dès ses débuts, l'œuvre de l'Allemande Hanne Darboven (née en 1941 à Munich), qui vit près de Hambourg, n'a cessé de susciter l'intérêt tant il se démarque des formes de création dites d'avant-garde. Après des études aux Beaux-Arts de Hambourg, Hanne Darboven part en 1966 pour New York où C. Andre et S. LeWitt s'intéressent à son travail, qui se rapproche alors des tendances conceptuelles (pages de papier millimétré couvertes de signes et de chiffres) et le signalent à Konrad Fischer, qui lui organise sa première exposition personnelle à Düsseldorf en 1968. Depuis lors, Hanne Darboven poursuit la même démarche, même si son propos s'est amplifié. Répétitif et infini, son travail se présente sous forme d'assemblages, pouvant couvrir des murs entiers, de feuilles, encadrées et disposées en grille, couvertes d'écritures, de chiffres ou de textes. Vers 1979, des images de toutes sortes (photographies, reproductions, couvertures de journaux, etc.) et des objets viennent compléter ces ensembles de plus en plus monumentaux. En 1971, Hanne Darboven commence à recopier des textes aussi divers que L'Odyssée d'Homère, Les Mots de Sartre, puis en 1976 des passages entiers d'une encyclopédie, relatifs à Napoléon ou à Bismarck, des discours politiques, des partitions musicales, etc. Les travaux parallèles avec les chiffres procèdent du même principe : un système numérique (dates de calendrier en général) est progressivement perturbé jusqu'à devenir création autonome et flexible : « Je construis quelque chose en perturbant quelque chose. » Cet ensemble de chiffres n'a pas plus à voir avec les mathématiques que l'écriture avec la littérature.
Mise en forme très structurée d'un travail sur le temps, le processus déborde le signifiant, happant le spectateur dans une sorte de vertige visuel fascinant où la compréhension du système devient secondaire. C'est remarquable dans la spectaculaire Histoire de culture, présentée en 1986, à l'A.R.C., au musée d'Art moderne de la Ville de Paris. Travail de plusieurs années, faisant suite à Schreibzeit (Le Temps de l'écriture, 1981, Zurich), l'œuvre, composée de mille six cents tableaux (50 × 70 cm), se lisait comme une grande fresque couvrant un siècle (1883-1983) d'évolution politique, scientifique, idéologique, sociale, culturelle de l'Allemagne. On pouvait voir par exemple des notes de l'artiste sur les événements internationaux et leur transcription musicale, des collections de cartes postales avant et après le nazisme, des photos d'acteurs ou photos extraites de films à partir de 1945, la collection complète des couvertures du Spiegel de 1975 à 1980, des documents sur la conception du catalogue de la collection Ludwig, la plus importante d'Allemagne, etc. Dix-neuf objets-sculptures symboliques ponctuaient ce parcours dans l'histoire (bustes d'Adenauer, Bible, croissant islamique, croix, etc.). Ce travail sur le temps, mesure de l'histoire, sur la culture structurée selon des chiffres, H. Darboven le poursuit avec Quartett, 88 consacré à quatre femmes : Marie Curie, Virginia Woolf, Rosa Luxemburg et Gertrude Stein (The Renaissance Society at the University of Chicago, 1989-1990, exposition et livre) et avec l'exposition La Terre ailée — Requiem (Deichtorhallen de Hambourg, 1991), référence à l'ouvrage La Terre ailée de Max Dauthendy (1867-1918), le poète allemand, . Tentative désespérée pour reconstituer une mémoire collective, pour s'approprier une culture, pour donner un sens au chaos d'informations et d'événements qui font le passé et le présent, le travail de Hanne Darboven est un engagement total et obsessionnel, où le vécu personnel est indissociable du vécu universel. En 2006, le Deutsche Guggenheim, Berlin, expose son [...]
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Écrit par
- Béatrice PARENT : conservateur à l'ARC, musée d'Art moderne de la Ville de Paris
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