BELTING HANS (1935-2023)
Dans son œuvre, Hans Belting poursuit deux interrogations fondamentales, l'une sur l'histoire des relations des hommes aux images, l'autre sur l'histoire de l'art comme structure de représentation et mise en forme d'un discours spécialisé.
Professeur d'histoire de l'art à l'université de Munich, puis d'histoire de l'art et de théorie des médias à l'Institut technologique de Karlsruhe, membre de l'Académie des sciences de Heidelberg, il a occupé en 2002-2003 la chaire européenne du Collège de France à Paris. S'intéressant à la formation d'un système de communication particulier, celui des images et de leurs rôles dans les sociétés humaines depuis l'Antiquité jusqu'à nos jours, Hans Belting revient sans cesse dans ses livres et dans ses articles sur le problème référentiel qui se pose, dans l'histoire, entre le corps et les images, corps du Christ et présence, puis corps des hommes et représentation. Trois principaux axes de recherche se dégagent de ses travaux : la genèse de l'image chrétienne ; les rapports entre l'Orient et l'Occident (Florence et Bagdad. Une histoire du regard entre Occident et Orient [Munich, 2008], trad. franç. 2012) ; la constitution d'une histoire de l'art à partir du xvie siècle.
Sur les deux rives de la Méditerranée
Né le 7 juillet 1935 à Andernach (Allemagne), Hans Belting a commencé par étudier à l’université de Mayence les xiiie-xve siècles et les conceptions religieuses des images dans le monde byzantin, à partir des manuscrits enluminés (DasIlluminierte Buch in der Spätbyzantinischen Gesellschaft, Heidelberg, 1970), et en Italie, sur les fresques peintes par Giotto dans l'église supérieure de la basilique Saint-François d'Assise (Die Oberkirche von S. Francesco in Assisi, Berlin, 1977). Dans les deux cas, il analyse les changements majeurs qui interviennent en parallèle au xiiie siècle sur les deux rives de la Méditerranée, dans des milieux sociaux qui connaissent les mêmes facteurs d'évolution politique, dévotionnelle et conceptuelle. Très structuré, le groupe des laïcs influe, de manière décisive, sur la commande artistique et l'infléchit vers d'autres formes et d'autres thèmes, qui mettent mieux en valeur le contenu des textes bibliques et en facilitent la compréhension d'ensemble.
Pour les manuscrits peints à Constantinople et dans les autres centres de l'Empire, la composition du feuillet change et laisse suffisamment de place pour un petit tableau. Sur les fresques de Giotto à Assise, c'est un récit qui est développé sous le regard des laïcs et qui provoque chez eux une participation affective à ce qu'ils voient représenté. L'Église n'est plus seule maîtresse du jeu, elle doit partager avec d'autres demandeurs et, par conséquent, elle doit tenir compte d'autres intérêts que les siens. Les textes utilisés et commentés, à travers les miniatures et les peintures, ne sont plus ceux des docteurs de l'Église, grecque ou latine, mais des récits simples, accessibles à tous et, le plus souvent, rédigés par des laïcs pour des laïcs. À Constantinople, par exemple, les œuvres de Michel Psellos (1018-1078) sont largement diffusées aux xiiie et xive siècles, alimentant tout un courant dévotionnel porté à une approche plus sentimentale de la foi chrétienne.
À Assise, le nouveau genre de peinture, anecdotique, de compréhension facile, doit beaucoup à la spiritualité franciscaine et à la parole de saint François lui-même, telle que les Frères l'ont transcrite. Revenant sur ce changement, Hans Belting y lit aussi l'opposition entre deux styles d'images, l'un plutôt monastique et fondé sur l'allégorie, l'autre plutôt ouvert sur le monde de la ville et fondé sur le récit (« The New Rôle[...]
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Écrit par
- Daniel RUSSO : ancien élève de l'École normale supérieure, agrégé de l'Université, ancien membre de l'École française de Rome, professeur d'histoire de l'art médiéval à l'université de Bourgogne
Classification
Autres références
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