ANDERSEN HANS CHRISTIAN (1805-1875)
Aux sources des « Contes »
Jusqu'ici, cependant, pas question de contes. Le plus curieux est bien de constater qu'Andersen ne semble pas y avoir songé pour asseoir cette célébrité dont il était et restera tant assoiffé. Homme de théâtre, poète et romancier, telles étaient ses ambitions avouées. Comment donc a-t-il été révélé à lui-même ? Trois éléments y ont certainement contribué. Le premier nous est donné par le titre même qui l'a fait connaître du grand public : l'improvisateur. De son propre aveu, ratifié par les témoignages de ses contemporains, Andersen savait merveilleusement narrer des histoires ou lire ses manuscrits ; il était passé maître dans l'art d'improviser sur un thème donné. Facilité, chaleur, mouvement, émotion, il avait tout ce qui fait l'art du conteur, art éminemment oral que stimule la présence d'un auditoire. Son affection pour le petit peuple et pour les enfants, pour leur univers pittoresque, est bien connue. Enfin, ses origines autant que les impératifs du romantisme ambiant l'orientent depuis longtemps vers les récits populaires, les légendes léguées par la tradition orale, folkeviser, vers tout ce qu'on appelle folklore. Il est probable que c'est par pure fantaisie ou par amusement qu'il se met, en 1835, à écrire en Italie ses premiers contes, ne se doutant guère que ce seraient eux qui allaient le rendre célèbre. Car son premier livre, Contes pour les enfants (Eventyr fortalte før Børn, 1835), rencontre immédiatement un succès étonnant. On connaît mal, de nos jours, encore, la littérature danoise et même l'œuvre d'Andersen dans son ensemble, mais les Contes ont fait cent fois le tour du monde, ils ont été traduits – et souvent plusieurs fois – en quatre-vingts langues, et les rééditions, traductions nouvelles, éditions illustrées, adaptations enregistrées ou cinématographiques n'ont jamais cessé. Aucun conteur antique, aucun florilège populaire, et les Mille et Une Nuits même, ne les dépassent en popularité. Ils ont le rare mérite d'être directement accessibles à tous, quelles que soient les différences de milieux, de cultures et de nationalités. Ils constituent une œuvre universelle par excellence.
Andersen publiera désormais presque un recueil par année. Le succès ne se démentira jamais. Lui-même fera la distinction entre les récits où intervient un élément surnaturel, merveilleux, païen, mythologique, légendaire ou chrétien, et qu'il appelle Eventyr (approximativement : contes de fées) et ceux qui se passent de ce ressort, les histoires (Historier). Au total, cent soixante-huit contes dont on peut dire que nul n'est indifférent. Fait notable, aucun n'est sinistre, terrible ou d'un fantastique effrayant. Du reste, le fantastique, quand il intervient, est apprivoisé, il suscite l'étonnement, l'admiration, la curiosité, le sourire, mais jamais l'effroi. Aucun conte n'est macabre, « noir » ou teinté d'érotisme : nulle pâture pour la psychopathologie.
Les sources des Contes sont peu nombreuses, aisément circonscrites, la première étant à chercher dans l'imagination fantaisiste et colorée de l'auteur. Une grande partie s'inspire d'éléments autobiographiques – en un sens, l'œuvre tout entière d'Andersen n'est qu'une autobiographie ininterrompue – transposés selon un symbolisme transparent. Le Vilain Petit Canard, La Petite Sirène, l'admirable Sapin nous livrent autant de portraits de Hans Christian inadapté, méconnu, aspirant à un univers où il évoluerait librement parmi ses pairs. Les légendes populaires, celles surtout qu'il tient de son enfance à Odense, reparaissent dans ses Contes, tels Le Briquet, Le Grand et le Petit Claus. D'autres s'inspirent d'un folklore récemment exhumé par ses contemporains,[...]
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Écrit par
- Régis BOYER : professeur émérite (langues, littératures et civilisation scandinaves) à l'université de Paris-IV-Sorbonne
Classification
Média
Autres références
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CONTES, Hans Christian Andersen - Fiche de lecture
- Écrit par Régis BOYER
- 758 mots
Les Contes d'Andersen (1805-1875) sont le type même de l'œuvre universelle : il s'agit de l'un des ouvrages les plus lus au monde, et il faut gager que l'on n'est pas près d'en percer le secret. Andersen, écrivain danois sorti du plus bas peuple mais bénéficiaire d'un destin exceptionnel, se voulait...
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DANEMARK
- Écrit par Marc AUCHET , Frederik Julius BILLESKOV-JANSEN , Jean Maurice BIZIÈRE , Régis BOYER , Georges CHABOT , Encyclopædia Universalis , Lucien MUSSET et Claude NORDMANN
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...arbitre officiel du goût et auteur de vaudevilles amusants, ou Henrik Hertz (1798-1870). La nouvelle est représentée par Steen Steensen Blicher (1782-1848). Mais le primat revient à Hans Christian Andersen (1805-1875). On ignore en général qu'il s'est également intéressé au théâtre, au roman, au récit de voyage...