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ANDERSEN HANS CHRISTIAN (1805-1875)

L'univers des « Contes »

Les thèmes les plus fréquents des Contes d'Andersen sont si profondément humains qu'ils nous concernent tous. Ils disent le malheur d'être un inadapté, comme nous le sommes indistinctement, selon la conception romantique du destin que nous portons au fond de notre cœur ; ils déplorent l'incapacité de jouir pleinement du moment de bonheur qui nous est offert et peut-être ne reviendra plus ; ils maudissent en secret cette prédestination au malheur, à la mort, qui est en nous. Ils savent opposer tragiquement nos rêves inassouvis à la cruelle réalité. La Petite Fille aux allumettes, c'est chacun de nous, qui brûlons notre vie à la flamme de nos rêves d'enfance, pour oublier la réalité qui nous tuera. En dernière analyse, le génie d'Andersen est pessimiste, et certains contes atteignent à un désespoir profond, comme L'Ombre au titre éloquent. Il faut le souligner, pour manifester sans équivoque que la naïveté, au sens péjoratif du terme, et la fadeur ne sont pas les traits caractéristiques des Contes d'Andersen.

Le trait caractéristique, il faut le chercher dans la bonté, mais une bonté qui n'a rien d'aveugle. Simplement, elle se refuse à croire à la perversité foncière de l'homme ou à l'irrémédiable déchéance de sa condition. La Reine des neiges dit avec une particulière éloquence cette croyance dans la victoire finale de la bonté, de la beauté, de l'harmonie. C'est en ce sens que l'on peut parler de la naïveté d'Andersen : dans la mesure où il a su conserver la fraîcheur de son regard d'enfant, prompt à imaginer, à s'émerveiller, à transfigurer les apparences, toujours rempli d'étonnement admiratif devant les splendeurs que lui offre la vie, à lui qui sait la regarder sans œillères. Ce qui rend Andersen immédiatement sympathique, c'est cet amour de la créature humaine, cette émotion devant la nature vivante, devant tout ce qui existe en vérité. Voilà pourquoi la frontière entre animé et inanimé est toujours vague chez lui. Les choses et les animaux sont personnifiés avec une spontanéité, un naturel surprenants. Toute la création parle sans effort le danois d'Andersen. Esprit et nature ici constituent un tout. Cet équilibre est sûrement le plus grand mérite des Contes, d'autant qu'il ne se trouve pas toujours dans le reste de l'œuvre. C'est aussi la raison pour laquelle les Contes ne donnent jamais dans le genre militant – ils n'ont rien à défendre que l'amour et le respect de la vie, de toute vie – non plus que dans le ton moralisateur : les bons sont souvent récompensés, mais c'est en vertu d'une morale naturelle, non d'un système philosophique ou religieux. Les méchants sont parfois punis, mais, le plus souvent, ils sont oubliés. L'éclairage s'est déplacé, les replongeant dans l'ombre, tout simplement. On ne châtie guère, dans les Contes ; la mort est bien assez cruelle comme cela. Le danger de cette vision du monde, on le sent, serait la mièvrerie, si Andersen ne savait, en temps voulu, manier la satire, et surtout s'il ne disposait d'un humour merveilleusement tendre qui transfigure à point nommé la bassesse, tout comme il sait rappeler à terre l'ange de la rêverie. Le Porcher et la Princesse, Le Rossignol disent assez rudement le sort qui attend quiconque veut se faire passer pour ce qu'il n'est pas. Et, au fond, toute la vertu d'Andersen tient là, dans l'art d'accepter la nature. Il y faut une grande humilité de cœur et, paradoxalement, une grande fierté d'être ce que l'on est : tout l'homme Andersen est là.

Le style sert admirablement ce dessein. Il a, lui aussi, la sagesse et la mesure. On néglige trop souvent de dire ce qu'il avait de résolument novateur à l'époque,[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite (langues, littératures et civilisation scandinaves) à l'université de Paris-IV-Sorbonne

Classification

Média

Hans Christian Andersen - crédits : Collection privée

Hans Christian Andersen

Autres références

  • CONTES, Hans Christian Andersen - Fiche de lecture

    • Écrit par
    • 758 mots

    Les Contes d'Andersen (1805-1875) sont le type même de l'œuvre universelle : il s'agit de l'un des ouvrages les plus lus au monde, et il faut gager que l'on n'est pas près d'en percer le secret. Andersen, écrivain danois sorti du plus bas peuple mais bénéficiaire d'un destin exceptionnel, se voulait...

  • DANEMARK

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    ...arbitre officiel du goût et auteur de vaudevilles amusants, ou Henrik Hertz (1798-1870). La nouvelle est représentée par Steen Steensen Blicher (1782-1848). Mais le primat revient à Hans Christian Andersen (1805-1875). On ignore en général qu'il s'est également intéressé au théâtre, au roman, au récit de voyage...