ANDERSEN HANS CHRISTIAN (1805-1875)
Une longue autobiographie
Son avenir assuré, Andersen se livre à la plus grande de ses passions : le voyage. Il va sillonner l'Europe, revenant, comme à un port d'attache, à cette Italie qui l'a révélé à lui-même. On l'y reverra quatre fois, dont trois à Rome. Il fréquente les grands hommes du moment. Dickens surtout, son frère d'âme auquel il ressemble par l'art d'extraire le merveilleux du quotidien banal, et qui lui fera l'honneur de l'héberger cinq semaines en sa maison. Tous ceux qui ont parlé d'Andersen à cette époque-là présentent un portrait semblable : un homme timide et doux, extrêmement sensible aux flatteries comme aux critiques, à la fois vaniteux et humble, vaniteux parce que visiblement fier de sa réussite – n'a-t-il pas dit : « Ma vie est un beau conte » ? –, humble parce que tourmenté et peu sûr de lui, d'esprit très vif mais ne donnant toute sa mesure qu'en présence d'un auditoire ; un cœur assez féminin, en somme, et toujours tellement ardent à s'expliquer, à se justifier, à se raconter.
Car son œuvre romanesque n'est, nous l'avons dit, qu'une longue autobiographie, et c'est là son principal intérêt. O.T. (1836), Rien qu'un violoneux (Kun en Spillemand, 1837), Le Livre d'images sans images (1840), Les Deux Baronnes (De to Baronesser, 1848), Peer le Chanceux (Lykke Peer, 1870), s'ils n'ajoutent rien à sa gloire, nous permettent de le connaître avec un grand luxe de détails. Il a même fait un essai naïf pour se présenter comme un poète philosophico-moral dans Être ou ne pas être (At vaere eller ikke at vaere, 1852), qui est un sacrifice à la mode du temps. Écrivain inlassable, il a consigné ses impressions de voyages dans des journaux et dans des récits de valeur inégale : Le Bazar d'un poète (En Digters Bazar, 1842), En Suède (I Sverrig, 1851), En Espagne (I Spanien, 1853), Une visite au Portugal (Et Besøg i Portugal, 1866). De même la veine – et la tentation – dramatique n'a jamais tari. Il a écrit de nombreux vaudevilles et des comédies dont aucune n'est passé à la postérité. On cite une comédie : La Nouvelle Chambre de l'accouchée (Den nye Barselstue, 1850) ; des comédies féeriques : Bouquet de la chance (Lykkens Blomst), Plus que des perles et de l'or (Mer end Perler og Guld), Ole, le marchand de sable (Ole, Lukkøje), Hyldemor, dont il a dit lui-même qu'elles étaient destinées « aux enfants et aux âmes enfantines » ; deux grandes pièces : Le Mulâtre (Mulatten) et La Petite Mauresque (Maurerpigen, 1840), qui n'eurent aucun succès et que la critique éreinta ; un livret d'opéra, enfin, La Petite Kirsten (Liden Kirsten), dont la musique est de J. P. E. Hartmann.
En dehors des Contes et de L'Improvisateur, sa meilleure œuvre reste son autobiographie, non déguisée cette fois, Le Livre de ma vie (Levnedsbogen), paru sous ce titre en 1832-1833 et refondu en 1926 sous le titre : Le Conte de ma vie (Mit Livs Eventyr). Elle n'ajoute rien à sa gloire, déjà si grande de son vivant qu'il collectionnait les décorations venues des quatre coins du monde, et qu'il eut la satisfaction de se voir fait citoyen d'honneur d'Odense, sa ville natale, et même de contempler sa statue érigée à Copenhague. Mais Le Conte de ma vie permet de mieux percer le mystère de cet homme au cœur d'enfant, au regard d'enfant, qui semble avoir mis dans ses œuvres l'amour qu'il n'a pas connu dans sa vie. L'énorme correspondance nous éclaire encore davantage sur ce point.
Il mourut à Copenhague le 4 août 1875.
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Écrit par
- Régis BOYER : professeur émérite (langues, littératures et civilisation scandinaves) à l'université de Paris-IV-Sorbonne
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Média
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CONTES, Hans Christian Andersen - Fiche de lecture
- Écrit par Régis BOYER
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