MOMMSEN HANS (1930-2015)
Historien allemand, spécialiste de la République de Weimar, du régime nazi et du mouvement ouvrier, Hans Mommsen était membre d’une famille d’historiens : son arrière-grand-père, Theodor Mommsen (1817-1903), fut un grand historien de l’Antiquité romaine et Prix Nobel de littérature, son père, Wilhelm Mommsen (1892-1966), professeur à Marburg (Hesse) était un spécialiste des mouvements politiques et sociaux du xixe siècle, tandis que son frère jumeau, Wolfgang Mommsen (1930-2004), était professeur à Düsseldorf et travaillait sur l’histoire du xixe siècle et l’œuvre de Max Weber.
Né le 5 novembre 1930 à Marburg, Hans Mommsen passe sa jeunesse dans sa ville natale et fréquente les mouvements de jeunesse nazis « sans enthousiasme », selon ses propres dires. La dénazification entraîne la fin de la carrière académique du père, ce qui est ressenti comme une injustice, mais surtout plonge la famille dans des conditions matérielles très précaires.
Mommsen soutient à Tübingen une thèse de doctorat en histoire sur la social-démocratie autrichienne et la question des nationalités dans l’empire des Habsbourg, dirigée par Hans Rothfels (1891-1976), un historien national-conservateur avec des racines juives qui s’était exilé aux États-Unis en 1939 et qui devient le parrain de la Zeitgeschichte (histoire du temps présent) naissante après son retour en Allemagne en 1951. Entre 1963 et 1968, Hans Mommsen travaille à Heidelberg comme assistant de Werner Conze (1910-1986), un pionnier de l’histoire sociale moderne en Allemagne dont les écrits des années 1930 sont très controversés depuis les années 1990. Mommsen y réalise sa thèse d’habilitation sur le fonctionnement des administrations allemandes entre 1933 et 1945. En 1968, il est nommé professeur d’histoire contemporaine à l’université de la Ruhr à Bochum.
Si Mommsen consacre de nombreux travaux au mouvement ouvrier et à la République de Weimar, ses principaux apports scientifiques s’inscrivent dans la compréhension du national-socialisme. Durant les années 1960, il analyse les conceptions politiques de la résistance nationale-conservatrice à Hitler, contribuant à établir une historiographie critique de celle-ci. Il établit avec Martin Broszat (1926-1989) l’historiographie fonctionnaliste (ou structuraliste) du régime national-socialiste. S’opposant aux travaux des intentionnalistes, il s’efforce de montrer que l’analyse des structures polycratiques permet de mieux comprendre un régime qui ne se serait pas résumé à la réalisation d’un programme établi par le seul Adolf Hitler. Mommsen forge deux concepts majeurs : celui de « dictateur faible » (1971) pour qualifier la structure du régime et celui de « radicalisation cumulative » (1976) pour expliquer la gestation de la « solution finale » nationale-socialiste. Son article Die Realisierung des Utopischen (« La Réalisation de l’utopique », 1983) marque un apogée de la controverse entre fonctionnalistes et intentionnalistes.
Depuis les années 2000, il a été reproché à l’historiographie fonctionnaliste, et à Hans Mommsen en particulier, d’écrire une histoire où l’être humain s’efface derrière les structures et où le facteur idéologique est complètement absent. Face à ces critiques, Mommsen continua toutefois à défendre âprement ses interprétations.
Tout au long de sa carrière, Mommsen n’hésite pas à adopter des positions tranchées dans les débats publics. Il prend la défense de l’Ostpolitikmise en œuvre par Willy Brandt (il était lui-même membre du Parti social-démocrate), se bat dans la « querelle des historiens » au côté de Jürgen Habermas contre Ernst Nolte et les représentants d’une historiographie conservatrice, polémique contre les thèses de Daniel J. Goldhagen sur l’« antisémitisme éliminationniste » des Allemands, qui serait à la base de la [...]
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Écrit par
- Christoph BRÜLL : chercheur qualifié FRS-FNRS, maître de conférences à l'université de Liège (Belgique)
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