MULTSCHER HANS (1400 env.-env. 1467)
Sculpteur sur pierre et sur bois d'Allemagne du Sud, Hans Multscher fut peut-être aussi peintre. En 1427, il a acquis dans la ville d'Ulm le droit de bourgeoisie. Il y jouit d'une situation particulière, intermédiaire entre le patriciat et les corporations d'artisans ; il a reçu le privilège d'exercer son métier librement, sans entrer ni dans la corporation des sculpteurs, ni dans l'organisation du chantier de la cathédrale, et donne aussi, de façon régulière, des avis au Conseil en matière de production d'œuvres d'art, production qui, à l'époque, pour une cité comme Ulm, a une importance économique indéniable. Il s'est très probablement formé dans les Flandres et aux Pays-Bas, où il a dû se rendre comme compagnon. Les trois œuvres les plus importantes qui nous soient parvenues de lui, dans un état plus ou moins fragmentaire, sont le Retable Karg (1433), le Retable de Wurzach (1437) et le Retable de Sterzing (1456-1458).
La partie centrale du Retable Karg, au lieu d'être un coffre en bois comme dans les œuvres similaires, est une niche creusée dans un mur de la cathédrale d'Ulm. Il s'agit pourtant bien d'un retable à volets mobiles, sans doute peints. Ces volets ont disparu, de même que les figures les plus importantes de la niche, probablement une Vierge à l'Enfant debout entre deux saints. Cette œuvre, qui nous est parvenue très mutilée, introduit en Allemagne plusieurs nouveautés riches d'avenir : le contraste entre la partie centrale occupée par des figures en ronde bosse et les volets peints ; le traitement de la partie centrale en chapelle ; le traitement de son encadrement en porte monumentale, comme au retable votif d'Engelbrecht Ier de Nassau dans la Grote Kerk de Breda.
Le deuxième retable doit son nom à la famille qui possédait les volets après démembrement de l'œuvre au xviie siècle. Il ornait à l'origine une église de Landsberg-sur-le-Lech. Une Vierge sculptée en bois a été identifiée comme la figure centrale du coffre. Les quatre panneaux peints sur les deux faces qui constituaient les volets mobiles se trouvent aujourd'hui au musée de Berlin ; ils ont été sciés dans l'épaisseur pour séparer l'avers du revers. Les faces externes (retable fermé) montrent quatre scènes de la Vie de la Vierge, les faces internes quatre scènes de la Passion. Une inscription donne la date et le nom de Multscher, mais on ignore encore le rôle exact de l'artiste dans l'exécution des peintures : il est peu probable qu'elles soient de sa main, mais peut-être a-t-il donné le tracé général des compositions. Les figures sont massives, lourdes et violemment expressives, la conception de l'espace reste très archaïque ; pourtant, le peintre connaît les tendances nouvelles de la peinture flamande, il a cherché à les exploiter, mais ses emprunts n'ont pas modifié profondément sa vision.
Le troisième retable a été exécuté pour une église de Sterzing dans le Tyrol du Sud (aujourd'hui Vipiteno, en Italie). Les panneaux des volets ainsi que les grandes figures du coffre (Vierge debout entre sainte Barbe, sainte Ursule, sainte Apollonie et sainte Catherine, ainsi que saint Georges et saint Florian) sont conservés à Vipiteno, les autres figures ont été dispersées. Il a probablement été le chef-d'œuvre de Multscher, à en juger par l'influence qu'il a exercée sur l'art des grands retables en Allemagne du Sud à la fin du xve siècle. Les volets, qui représentent quatre scènes de la Passion et quatre épisodes de la Vie de la Vierge, sont, selon toute apparence, d'un autre artiste que celles du Retable de Wurzach ; ce peintre a reçu le nom de Maître du retable de Sterzing et d'autres œuvres lui ont été attribuées (Staatsgalerie, Stuttgart).
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Écrit par
- Pierre VAISSE : professeur d'histoire de l'art à l'université de Genève
Classification
Autres références
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GOTHIQUE ART
- Écrit par Alain ERLANDE-BRANDENBURG
- 14 896 mots
- 27 médias
...monumentale (cathédrale de Cologne). La seconde moitié du xve siècle marque la totale indépendance et la puissance d'invention des sculpteurs. Hans Multscher (qui était également peintre) et surtout Nicolas de Leyde (1462-1473) bouleversent la tradition en introduisant dans leurs œuvres un mouvement...