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NAMUTH HANS (1915-1990)

La vie du photographe et cinéaste américain Hans Namuth s'est déroulée tout entière sous le signe de l'aventure, de l'amitié et de l'art. Il trouva la mort accidentellement le 13 octobre 1990 sur la route de East Hampton, Long Island.

La même route où son grand ami, le peintre expressionniste abstrait Jackson Pollock, se tuait, le 11 août 1956. La coïncidence n'a peut-être rien d'étrange. Dès sa rencontre avec Jackson Pollock, en effet – rencontre des plus décisives –, Hans Namuth, le photo-reporter de Vu et de l'agence Alliance-Photo chassé d'Allemagne en 1933, 1'ami de Robert Capa, avec lequel il couvre les événements de la guerre d'Espagne aux côtés des Républicains, le citoyen fraîchement naturalisé américain (en 1942) débarquant sur les plages de Normandie, s'est mué en un brillant portraitiste, délié, élégant, qui transportait, dans les pages des revues d'art, lieux majeurs de la critique américaine contemporaine, les ateliers de la scène artistique new-yorkaise. Andy Warhol, Jasper Johns, Francis Bacon, Frank Stella, Richard Serra, Mark Rothko, Julian Schnabel, Willem De Kooning – pour n'en citer que quelques-uns – furent ses illustres modèles comme l'a montré l'hommage du hors-série édité à l'initiative de Connaissance des arts, à l'occasion de la F.I.A.C. 1990.

Hans Namuth a ainsi photographié plus de quatre cents artistes peintres, sculpteurs, architectes qui sont également le sujet de ses films réalisés avec Paul Falkenberg : Jackson Pollock en plein dripping (« égouttement »), Willem De Kooning, the Painter, Hommage to the Square, à propos de Josef Albers, The Brancusi Retrospective at the Guggenheim, Centennial at the Grand Palais (exposition Matisse), Louis I. Kahn, Architect. Toutes ces études nous introduisent à la genèse de l'acte créateur dans laquelle Hans Namuth s'ingénie à prendre les artistes et les œuvres « en flagrant délit » : la photographie d'un artiste au travail renvoie d'abord à une préoccupation sur le « faire » mais dévoile également d'autres intentions qui élargissent le champ du « voir ». Tout comme la littérature, la photographie est aussi une machine à fabriquer des mythes. Le peintre devient une vedette, une figure incontestée, une star ou un héros culturel dont l'image s'intègre à l'histoire d'un art officiel, dans une culture dite « postformaliste ». Telle était sans doute la voie de Hans Namuth : devenir, comme hier Brassaï dans ses portraits d'artistes, un critique d'art sur le vif, assez clair pour être compris de tous, assez subtil pour tour à tour cautionner, glorifier et en même temps mettre à distance le mythe de la création.

À telle enseigne que, pendant la décennie de 1970, la galerie Castelli à New York exposa, à plusieurs reprises, l'œuvre de Hans Namuth.

Lors des Rencontres d'Arles en 1988, on découvrit que Hans Namuth avait aussi réalisé depuis 1947, à Todos Santos au Guatemala, petit village où naquit sa femme Carmen, un riche corpus sur les Indiens, dans la veine d'August Sander. Sans doute, la part secrète d'un artiste généreux qui pendant quarante ans s'était surtout attaché à représenter ses amis artistes.

— Elvire PEREGO

Bibliographie

H. Namuth, Fifty-Two Artists, Committee for the Visual Arts, New York State Council on the Arts, 1973, Early American Tools, Olivetti, Milan, 1975 ; Pollock Painting, Agrinde Publ., New York, 1980 ; Artists 1950-1981 : a Personal View, Pace Gallery, New York, 1981

H. Namuth & B. O'Doherty, American Masters, Random House, 1973

R. Krauss, « L'Atelier de Jackson Pollock » no spéc. de Macula, Paris, 1978.

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Écrit par

  • : historienne de la photographie, département de la recherche bibliographique, Bibliothèque nationale de France

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