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HAPPENING

Quels que soient les phénomènes de réaction et de rejet (surréalisme imagier, conflits entre le réalisme et l'expressionnisme ou entre diverses formes d'abstraction, etc.) qui ont pu, à un moment ou l'autre, retarder le surgissement d'un art du comportement et du geste, la peinture et la sculpture tendent depuis Dada à rompre avec les habitudes visuelles héritées de la Renaissance. Si les ready-made de Marcel Duchamp, les poèmes phonétiques de Hugo Ball, la musique bruitiste du cabaret Voltaire, les actions dadaïstes, les visites surréalistes et le théâtre futuriste avaient établi une cassure dont on ne mesura que bien plus tard l'importance, ce n'est qu'autour de 1960 que certains artistes, ayant pris conscience du caractère répétitif des « révolutions » artistiques, renouèrent plus peut-être par intuition que par une analyse profonde avec les ambitions de Dada et exaltèrent par leurs œuvres la négation de la primauté de l'esthétique au profit du contenu subversif. De cette prise de conscience allaient naître les moments les plus marquants de l'histoire de l'art de cette époque : le happening, le Nouveau Réalisme et le pop art, le non-art et les œuvres de comportement, enfin l'art corporel qui en constitue l'aboutissement et la définition la plus pure.

De la peinture à la mise en scène

Le happening est né d'une volonté d'échapper à la peinture, mais il est né de la peinture. Autour de 1955, et à peu près simultanément aux États-Unis et au Japon, des peintres ont éprouvé le besoin de transformer le tableau en un système dynamique et évolutif, notamment l' assemblage d'objets auquel, le premier sans doute, Allan Kaprow a donné le nom d'environnement. Ces œuvres composites sont les lointaines héritières des collages cubistes, des peintures futuristes, des montages et photomontages dadaïstes et surtout des assemblages de Kurt Schwitters qui, à partir de 1918, a divulgué des œuvres (Merz) dont le principe même était l'adjonction constante d'objets jusqu'à l'envahissement complet d'une pièce (Merzbau). Le premier merzbau entrepris par Schwitters a été, à partir de 1923, la transformation de son atelier en un vaste environnement (Cathédrale de la misère érotique).

C'est en sortant de leurs limites bidimensionnelles, puis tridimensionnelles, que les peintures sont devenues des assemblages, les assemblages des environnements et les environnements des happenings par incorporation de personnages humains. Le tableau, ou ce qu'il en restait, est alors devenu une scène destinée à accueillir un spectacle.

Environnement sur lequel sont venus se greffer des personnages qui engendrent une action, le happening a fait son apparition au Japon, en 1955, avec le groupe Gutai qui ne comprenait pas moins de neuf membres dont Murakami Saburo, Shiraga Kazvo, Tanaka Atsuko, Kanayama Akira, Shimamoto Shoto, Kudo Tetsumi et Motonaga Sadamasa. Trois personnalités semblent avoir dominé ce groupe qui s'est manifesté jusqu'en 1957 : Murakami, dont les actions ont été les plus spectaculaires, par exemple se frayer un chemin à travers une enfilade d'écrans en papier qu'il déchirait ; Shiraga, qui a peint des tableaux avec ses pieds et créé des œuvres en se roulant dans de la boue ; Kudo, qui, à partir de 1959, a contribué à introduire le happening aux États-Unis et qui a poursuivit, en Europe, une œuvre de sculpteur particulièrement agressive.

Sans l'existence du groupe Gutai, le happening aurait cependant éclaté aux États-Unis à travers une remise à jour de l'œuvre dadaïste opérée par John Cage, créateur de la musique indéterminée et qui, en 1952, alors qu'il était professeur au Black Mountain College, a créé le premier happening américain ; sa représentation englobait une œuvre peinte de Robert[...]

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