Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

HARMONIE

Le mot « harmonie » vient des lointains les plus reculés de la Grèce antique. Mais le sens que lui donnaient les Grecs n'est pas du tout celui qu'il revêt en musique polyphonique moderne (« moderne » devant s'entendre d'une période étroitement limitée à quatre siècles environ). Encore que la notion d'harmonie ait appartenu tout d'abord moins au domaine de la technique qu'à celui de la philosophie, elle a fini par s'identifier, dans la Grèce classique, à la notion d'échelle. L'harmonie, telle que la définissent Aristoxène, Platon ou Aristote, c'est le mode, c'est-à-dire une disposition type des sons contenus à l'intérieur de l' octave, et une succession caractéristique des intervalles inégaux qui les séparent.

Tous les sons possibles sont contenus dans l'octave puisqu'ils ne peuvent, au-delà de ses limites, que se reproduire dans une tessiture différente. Mais à l'intérieur de l'octave, toutes les subdivisions sont théoriquement possibles, et les musiques étrangères à la syntaxe musicale de l'Occident en utilisent des quantités et tirent des innombrables groupements et des hiérarchies complexes à quoi elles les soumettent les plus riches significations poétiques ou religieuses.

La musique grecque classique opérait parmi tous ces possibles une sélection de sept sons, scientifiquement établie en fonction des intervalles obtenus en divisant par moitié, tiers, quart, etc., une corde vibrante. Elle établissait la valeur de consonance parfaite des intervalles d'octave, de quinte ou de quarte, et, en accordant ses instruments par le repère de ces intervalles, elle trouvait les sept sons de la gamme diatonique, dite harmonie dorienne, échelle qui juxtapose deux groupes de structure identique, chacun de quatre notes comprises dans un intervalle de quarte. Le mode dorien est ainsi fait de ce qu'on appelait deux tétracordes,

présentant la même succession d'intervalles : deux tons suivis d'un demi-ton. Les demi-tons, se trouvant à la base des deux tétracordes, donnent au mode une sorte de déclivité vers le grave.

Les intervalles entre les sons de l'échelle diatonique étant inégaux, leur énoncé successif prenait des aspects divers selon le degré qui lui servait de base. Il naissait de là des modes nettement différenciés. Certains d'entre eux (dorien, mixolydien, éolien) constituaient le groupe noble des harmonies doriennes. Les autres, constituant le groupe phrygiolydien, introduit plus tardivement dans la musique grecque, étaient d'origine orientale : phrygien (mode de ), ionien (mode de sol), hypolydien (mode de fa).

À partir d'une certaine époque, les musiciens grecs introduisent entre les degrés des modes (au moins entre quelques-uns d'entre eux) des chromatismes de l'ordre du quart de ton, propres à faire valoir la virtuosité des chanteurs. Symptôme de décadence qui a été sévèrement attaqué par Platon.

L'essentiel des traditions musicales de la Grèce antique est à la base du plain-chant médiéval, où l'on retrouve ses différents modes classés en huit catégories. C'est dans cette longue période étalée sur plusieurs siècles du Moyen Âge occidental que devait se produire l'évolution profonde dont est sorti le système musical sur lequel on vit aujourd'hui. Dès lors, le mot « harmonie » change de signification. Il ne s'applique plus à la succession des sons, mais à leur audition dans la simultanéité.

De la polyphonie à l'accord parfait

Comment s'est opéré ce retournement de situation ? Par un mécanisme naturel qui a son origine dans une habitude de plus en plus répandue et envahissante dans l'église catholique, de superposer et d'enchevêtrer entre elles des lignes mélodiques différentes et aussi indépendantes que possible les unes des autres. L'art du [...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : compositeur de musique, ancien directeur de la musique et du programme national de la Radiodiffusion française

Classification

Médias

Accords de 3 sons - crédits : Encyclopædia Universalis France

Accords de 3 sons

Harmoniques de do - crédits : Encyclopædia Universalis France

Harmoniques de do

Accords de 4 sons - crédits : Encyclopædia Universalis France

Accords de 4 sons

Autres références

  • ACCOMPAGNEMENT MUSICAL

    • Écrit par
    • 1 920 mots
    ...point question. En effet, chacune des mélodies qui s'imbriquent en contrepoint conserve sa vie propre, authentique, et aucune n'est au service des autres. L'accompagnement naîtra seulement le jour où l'harmonie apparaîtra. Évidemment, la simultanéité de plusieurs lignes mélodiques, dans le contrepoint,...
  • ARCHYTAS DE TARENTE (env. 440-env. 360 av. J.-C.)

    • Écrit par
    • 425 mots

    Né vers 440 avant J.-C. et mort vers 360 avant J.-C. à Tarente, colonie grecque d'Italie du Sud, Archytas de Tarente est un scientifique, philosophe et mathématicien de l'école de Pythagore. Son ami proche, Platon, se fonde sur ses travaux mathématiques. Quelques sources prouvent qu'Euclide...

  • ARRANGEMENT, musique

    • Écrit par
    • 4 319 mots
    • 1 média
    ...négligeait de la préciser. De telles coutumes cessent d'ailleurs dès le début du xviie siècle. Mais une autre leur survit, qui consiste à ne noter l' harmonie que sous la forme d'une basse chiffrée. Le compositeur se contentait alors d'écrire la partie mélodique supérieure, et la basse avec les chiffres...
  • BAROQUE

    • Écrit par , et
    • 20 831 mots
    • 23 médias
    ...supérieure, mais chanteront occasionnellement à l'alto, au ténor, voire à la basse), et la voix grave, comme basse continue, devient le support de l' harmonie. Par opposition à des mélodies diatoniques de faible ambitus, le baroque va cultiver des mélodies chromatiques aussi bien que diatoniques de grand...
  • Afficher les 28 références