HARMONIE
Vers de nouvelles harmonies
Béla Bartók
Entre les deux guerres et immédiatement après la dernière, on put assister à divers efforts de synthèse d'un langage harmonique nouveau. Celui de Béla Bartók, d'un chromatisme exacerbé, repose sur l'usage de certains modes dont le plus courant dans son œuvre apparaît comme une combinaison du mode de fa (ou hypolydien) et du mode phrygien de ré. Il énonce à partir du do une gamme où le fa est monté d'un demi-ton et le si baissé d'un demi-ton.
D'autre part, Bartók a mis au point une théorie qui, associant étroitement entre elles des tonalités à distance de quarte augmentée (par exemple do-fa dièse), en considère les éléments comme interchangeables. On aboutit ainsi à des complexes faits de quatre tonalités différentes. Par exemple, do majeur est associé, d'une part à fa dièse majeur (à distance de quarte augmentée), d'autre part à la mineur, ton relatif, et à mi bémol mineur (à une quarte augmentée de la mineur).
À l'intérieur du discours musical tout son, tout accord appartenant à une de ces quatre tonalités peut être remplacé par le son ou l'accord correspondant dans l'une des trois autres. Il est aisé d'imaginer à quelles richesses et quelles complexités de langage une telle technique peut aboutir.
Bartók fait en outre largement usage, dans des accords d'une signification diatonique et tonale bien déterminée, de l'accord majeur exprimé simultanément avec son homologue mineur. Ces accords majeurs-mineurs se retrouvent largement exploités chez Stravinski, notamment dans Le Sacre du printemps.
Les modes à transpositions limitées
Un autre système harmonique basé sur des modes plus ou moins chromatiques est celui d' Olivier Messiaen. Ces modes, au nombre de sept, ont été établis par lui en fonction d'une caractéristique qui leur est particulière : celle de n'admettre qu'un nombre limité de transpositions. Cela signifie que, lorsqu'on cherche à reproduire la succession d'intervalles qui leur est propre, en gravissant à chaque tentative un nouveau degré de l'échelle des douze sons, il arrive un moment où l'on retombe dans les mêmes notes.
Si l'on prend l'exemple le plus simple avec la gamme par tons entiers dont il a été question plus haut, il est facile de voir, puisqu'elle utilise six sons, soit un son sur deux du total chromatique, qu'à la première transposition, un demi-ton au-dessus, elle rencontrera les six autres et, à la deuxième transposition, elle retombera dans les premiers.
La gamme par tons est donc un mode à transposition limitée. Il en existe six autres, d'un chromatisme de plus en plus complexe, utilisant un nombre de plus en plus grand de notes différentes et donnant naissance, de ce fait, à des harmonies de plus en plus chargées, de plus en plus riches, de plus en plus étrangères aux fonctions tonales traditionnelles.
Les divers systèmes qui viennent d'être très sommairement évoqués, et qui intéressent l'histoire du système tonal plus encore que celle de l'harmonie, sont tous en opposition plus ou moins déclarée avec la tradition. Mais on peut dire qu'ils s'appuient sur elle d'autant plus vigoureusement qu'ils cherchent le plus à la tenir à distance.
Le dodécaphonisme
Pour en arriver à une rupture complète et théoriquement définitive, il faut attendre la puissante offensive du système des douze sons, inventé par Arnold Schönberg et consolidé par ses deux disciples Alban Berg et Anton Webern, soit par ce qu'on a appelé l'école de Vienne : le dodécaphonisme, tel est le nom qui a été donné en France à ce système, méthodiquement mis au point en vue de battre en brèche tous les principes dont avait vécu jusqu'ici le langage musical.
Ici, la définition même de l'accord disparaît en tant que réunion[...]
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Écrit par
- Henry BARRAUD : compositeur de musique, ancien directeur de la musique et du programme national de la Radiodiffusion française
Classification
Médias
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