WASHINGTON HAROLD (1922-1987)
Harold Washington a symbolisé l'arrivée des Noirs au premier rang de la scène politique des États-Unis. En devenant en 1983 maire de Chicago, il témoignait de leur importance dans le débat politique ; en le restant en 1987, il démontrait leur compétence. Depuis cette première élection, un autre Noir, Tom Bradley, est devenu maire de Los Angeles, Jesse Jackson a pu prétendre sans ridicule participer à la bataille présidentielle, enfin Barack Obama a pu conquérir la présidence du pays.
Il n'y a rien, pourtant, chez Harold Washington, de la puissance messianique d'un Martin Luther King. Son pouvoir, il l'a patiemment obtenu par une parfaite maîtrise de ce que l'on appelle « les jeux politiciens ». En d'autres termes, il était plus pragmatique que visionnaire.
Il naît le 15 avril 1922 dans une famille de onze enfants. Son père Roy, pasteur méthodiste, est un juriste très au fait des enjeux politiques locaux auxquels il participe. Harold va à l'école à Chicago. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il sert dans le rang. À son retour du Pacifique, il reprend ses études et obtient un diplôme de science politique à la Roosevelt University ainsi qu'une licence en droit à la Northwestern University, avec de très bonnes notes. Il commence alors une carrière qui ne l'éloignera guère des rives du Michigan, en devenant assistant du conseil municipal de Chicago, de 1954 à 1958, puis arbitre de l'Illinois Industrial Commission de 1960 à 1964. Cette dernière année, il est élu à la Chambre des représentants de l'État. Il y siégera de 1965 à 1976, avant de passer au Sénat de l'Illinois où il restera jusqu'en 1980. Cette ascension de l'échelle politique locale ne s'est pas faite sans accrocs. En 1970, la Cour suprême de l'Illinois l'a suspendu pour un an dans l'exercice de sa profession d'avocat pour avoir fait preuve de négligence dans des affaires dont il était responsable. Un an plus tard, il était poursuivi pour avoir omis de déclarer ses revenus entre 1964 et 1968 ; il ne contesta pas les faits, paya 1 500 dollars d'amende et passa trente-six jours en prison ! Le premier magistrat de la ville aura ainsi connu les moindres recoins de son administration.
La faute, d'ailleurs, peut sembler bénigne chez ce célibataire invétéré, oubliant fréquemment de payer ses factures ou de répondre à son courrier, habillé à la diable, et dont on décrit l'appartement comme un chantier. Toujours est-il qu'en 1980 l'art et la popularité de Harold Washington sont assez grands pour qu'il soit élu à la Chambre des représentants des États-Unis, face à un candidat pourtant soutenu par la « machine » du Parti démocrate, très puissante à Chicago. Il est facilement réélu en 1982. Un groupe de leaders politiques noirs lui propose de concourir pour la mairie. Il se lance dans la bataille et l'emporte, sous les couleurs démocrates cette fois-ci, mais avec une faible marge. En 1983, le monde apprend ainsi cette nouvelle étonnante : la deuxième ville des États-Unis a un maire de couleur. Fin politique, il sait modérer les tensions raciales suscitées par l'événement ; il s'attache la population hispanique et se concilie les milieux d'affaires. Et, pendant que ses critiques lui reprochent de ne pas savoir contrôler l'immense métropole, Harold Washington en rétablit l'équilibre financier. Il est d'ailleurs largement réélu au printemps de 1987 : ce critique déclaré du président Reagan a su étendre son assise au-delà de la population noire, qui représente 40 p. 100 des trois millions d'habitants de Chicago.
Harold Washington appréciait qu'on le compare à Richard Daley, qui avait régné sur la mairie pendant vingt ans jusqu'en 1976. Un de ses premiers gestes avait été de reprendre la table de travail de Daley que[...]
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Écrit par
- Hervé KEMPF
: rédacteur en chef de
Reporterre
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