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HARPHIUS HENRI DE HERP dit (mort en 1477)

Frère mineur, auteur spirituel, né dans le sud des Pays-Bas. En 1445, Harphius est recteur de l'institut des frères de la Vie commune de Delft, au Val Saint-Jérôme, puis recteur d'une nouvelle maison organisée à Gouda. Lors d'un voyage à Rome, en 1450, il est frappé par le renouveau religieux en cours chez les franciscains de l'Aracaeli et entre dans leur ordre. On le retrouve gardien de divers couvents, à Malines et Anvers.

Prédicateur renommé, Harphius est surtout connu comme un auteur mystique de première importance, moins par l'originalité de sa doctrine que par l'influence décisive que son principal traité, le Miroir de perfection, a exercée sur la spiritualité ultérieure. Il reflète plusieurs courants de spiritualité, le courant franciscain (et dionysien, par les écrits d'Hugues de Balma, faussement attribués à saint Bonaventure) et le courant cistercien (surtout saint Bernard) : mais il est d'abord « le héraut de Ruysbroeck », le propagateur le plus efficace de la mystique rhéno-flamande : il cite de longs extraits de Ruysbroeck, dont il reprend le vocabulaire. Il lui emprunte, avec quelques nuances, l'exemplarisme fondamental de la vie trinitaire pour l'ascension (ou l'introversion, pour reprendre le terme de Ruysbroeck) de l'âme chrétienne ; mais sa présentation, qui paraphrase souvent simplement l'Ornement des noces spirituelles, a rendu l'enseignement de Ruysbroeck moins hermétique aux lecteurs du xvie et du xviie siècle.

Harphius distingue trois vies, la vie active, la vie contemplative et la vie suréminente ou suressentielle. Cette distinction tertiaire sera désormais classique dans la théologie mystique. Insistant à chaque étape sur la purification des motifs ou de l'intention, Harphius enseigne l'anéantissement nécessaire de l'esprit propriétaire : à la limite, dans la vie suressentielle, l'âme « n'est plus elle-même », étant unie à Dieu, confondue en son essence ; toute « propriété » est mortifiée, la déréliction préférée à toute consolation, l'amour pur, enfin, tenu pour seule vie dans la foi nue. À cet enseignement tiré de Ruysbroeck, Harphius ajoute, à partir d'Hugues de Balma, l'exercice d'« aspirations » qui, dans la vie contemplative, sont l'œuvre de la volonté supérieure et permettent de « mettre l'âme en mouvement » vers l'union à Dieu. Ces prières jaculatoires sont proches de l'hésychasme des spirituels grecs.

Outre le Miroir, vite traduit en plusieurs langues, l'œuvre de Harphius comprend plusieurs opuscules recueillis par ses disciples dans le livre De la théologie mystique mis à l'Index en 1585 et doté de corrections, ce recueil n'en continua pas moins de circuler largement, étendant l'influence des Rhéno-Flamands au reste de l'Europe, par l'intermédiaire des Chartreux et des Capucins. Par le rôle direct qu'elle a eu sur Benoît de Canfeld, ainsi que sur les spirituels franciscains espagnols (François de Osuna, Bernardin de Laredo), l'œuvre de Harphius est la clef doctrinale la plus certaine du renouveau spirituel du xvie et du xviie siècle.

— Jean-Robert ARMOGATHE

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Écrit par

  • : directeur d'études à l'École pratique des hautes études, sciences religieuses

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