CARNEY HARRY (1910-1974)
Né à Boston le 1er avril 1910, Harry Howell Carney, saxophoniste et clarinettiste américain de jazz, meurt à New York le 8 octobre 1974. La critique internationale a toujours été unanime à saluer en lui le meilleur saxophoniste baryton de style classique, même s'il n'a pas toujours connu la ferveur du public.
Il se préoccupait d'ailleurs fort peu de son image de marque. Cet homme modeste, d'une très grande culture et d'une très grande urbanité, était typiquement une antivedette. À seize ans, Harry Carney est engagé par Duke Ellington, qui doit demander a ses parents la permission de l'emmener avec lui en tournée. Exemple d'une fidélité exceptionnelle dans le jazz, il ne quitte plus Ellington jusqu'à la mort de ce dernier, en mai 1974. Il est de toutes les tournées et de presque tous les enregistrements. D'autres musiciens l'invitent, épisodiquement, à se joindre à eux dans les studios : Lionel Hampton, Benny Goodman, Harry James, Teddy Wilson, Jimmy Jones, Sandy Williams, Billie Holiday et plusieurs de ses compagnons de pupitre, notamment Johnny Hodges, Rex Stewart et Cootie Williams.
Harry Carney a pratiqué avec beaucoup de bonheur la clarinette, la clarinette basse et le saxophone alto, mais c'est au baryton qu'il excelle. C'est lui qui, le premier, confère à cet instrument la mobilité qui le délivre de son rôle subalterne et en fait un outil de soliste. Dès avant 1930, il peut improviser avec grâce et même avec une certaine fluidité, qu'on aurait crue inaccessible, sur cet instrument. Par la suite, sa maîtrise ne fait qu'augmenter et, dans le même temps, il élargit considérablement sa palette d'expressions. Il obtient, en particulier, une sonorité admirable : très riche, mais très homogène ; nette, mais feutrée ; pleine, compacte, et cependant superbement aérée. Alliées à une articulation exemplaire et à un sens inné du confort rythmique, de l'architecture mélodique, des complémentarités harmoniques, ces qualités font merveille au sein des différents orchestres que le Duke dirige successivement – au point qu'on a pu dire que le baryton de Carney en était « l'assise et les entrailles » (Jacques Réda). Indiscutablement, le fameux « son Ellington » est constitué pour une très grande part de cette voix unique dans l'histoire du jazz. Il n'existe guère de disque ellingtonien où l'on n'entende pas Harry en solo, ne serait-ce que pour quatre ou huit mesures. Pas une de ces interventions n'est seulement médiocre. Parmi les plus remarquables, il faut citer : Doin' the Voom Voom (1929), Stompy Jones (1934), Cotton Tail (1940), Sophisticated Lady (1950) et Prima Bara Dubla (en duo avec Gerry Mulligan, en 1958).
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Écrit par
- Alain GERBER : docteur en psychologie, membre du Collège de pataphysique et de l'Académie du jazz, romancier
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