PARTCH HARRY (1901-1976)
Au début du xxe siècle, quelques compositeurs américains vont tenter de s'affranchir de l'influence de la tradition européenne en remettant en question le matériau sonore et en créant un univers musical inouï. Carl Ruggles (1876-1971), Henry Cowell (1897-1965), George Antheil (1900-1959) ou Harry Partch, dont les traits communs sont l'éclectisme de la pensée, la réflexion expérimentale et la puissance novatrice, appartiennent à cette première avant-garde américaine.
Né à Oakland (Californie) le 24 juin 1901, Harry Partch passe une grande partie de son enfance dans les États du Sud-Ouest (Arizona et Nouveau-Mexique), où il s'imprègne d'influences aussi diverses qu'inattendues : berceuses et chants folkloriques, musiques mexicaines, africaines, orientales, danses et chants des Indiens d'Amérique, notamment Yaqui... Il entame des études de musique classique, qu'il abandonne rapidement. Âgé d'à peine vingt ans, Partch, qui s'est établi à San Francisco, est pleinement conscient de sa vocation de compositeur, mais il sait aussi qu'il ne mettra jamais les pas dans les traces de ses aînés. Il veut inventer un langage nouveau, explorer des terres musicales inconnues. Il découvre en 1923, dans une traduction en anglais, le traité de Helmholtz de 1863 Die Lehre von den Tonempfindungen als physiologische Grundlage für die Theorie der Musik (traduit en français sous le titre Théorie physiologique de la musique fondée sur l'étude des sensations auditives), qui l'amène à rejeter le tempérament égal, dans lequel l'octave est divisée en douze intervalles d'un demi-ton égaux entre eux. Adhérant aux idées de Helmholtz sur les sensations de consonance et de dissonance (intonation juste), il va concevoir, entre 1923 et 1933, des systèmes d'intervalles des plus originaux et opérer un retour à la monophonie, qu'il considère comme représentant l'essence primitive, rituelle et magique, de la musique : son harmonie va être ainsi fondée sur des échelles non tempérées usant de divisions de l'octave en 29, 37, 39, 41 et même 55 micro-intervalles égaux. En 1941, il optera pour un système de 43 micro-intervalles. Sa rythmique, s'appuyant elle aussi sur des divisions rationnelles, sera une polyrythmie. Sa radicalité l'amène à détruire en 1930 la quasi-totalité des œuvres qu'il avait composées dans le système du tempérament égal depuis le milieu des années 1910.
Ces recherches ne suffisent pas à étancher la soif de nouveauté de Partch, qui va également s'attacher à élaborer un instrumentarium insolite en construisant des instruments accordés d'après ses échelles. Dans son état définitif, celui-ci comprendra des cordophones, instruments à cordes frottées, pincées ou frappées auxquels ils donnent par exemple les noms de guitare adaptée, d'alto adapté, de « kithara » (cithares à 72 cordes), de « canons harmoniques » à 44 cordes, de « crychord » ; des idiophones, qui sont des percussions accordées (marimbas en bois ou en verre, « gourd tree » et « cone gongs » en métal...) ; des aérophones, parmi lesquels des harmoniums accordés, les « chromelodeons », à 43 touches par octave.
Ses premières compositions en intonation juste reposent sur des poèmes chinois, la Bible ou Shakespeare. Il crée ainsi, le 9 février 1932, à San Francisco, quatre pièces monophoniques pour une voix et alto adapté : 17 Lyrics of Li Po, By the Rivers of Babylon (d'après le psaume CXXXVII), Potion Scene from Romeo and Juliet, The Lord is My Shepherd (d'après le psaume XXIII) ; par leur esthétique, ces pièces font référence aux opéras de Gluck et de Moussorgski, à Debussy et au Sprechgesang du Pierrot lunaire de Schönberg. Au début des années 1940, Partch puise son inspiration dans des scènes de la vie quotidienne aux[...]
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Écrit par
- Alain FÉRON : compositeur, critique, musicologue, producteur de radio
Classification
Autres références
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WAITS TOM (1949- )
- Écrit par Encyclopædia Universalis
- 957 mots
Le chanteur et auteur-compositeur américain Tom Waits a développé depuis les années 1970 une œuvre singulière, produisant au fil des ans des albums toujours plus décalés et innovants. L’univers baroque de ce poète des marges s’appuie sur des descriptions à la fois crues et cyniques de milieux urbains...