HĀRŪN AL-RASHĪD (766-809) calife ‘abbāside (786-809)
Le règne du cinquième calife ‘abbāside marque un tournant crucial dans l'histoire du califat : il amorce la longue décadence de l'empire islamique. Troisième fils d'al-Mahdī, Hārūn al-Rashīd restera longtemps sous l'influence de sa mère, al-Khayzurān, une esclave yéménite affranchie. Son enfance se passe dans le luxe et la facilité. Soumis à son tuteur et précepteur Yahyā ben Khālid al-Barāmika, il reçoit très jeune le commandement d'expéditions contre les Byzantins, dont la seconde (781-782) est mémorable : pour la première et dernière fois, l'armée ‘abbāside atteindra les rives du Bosphore. Nommé gouverneur d'Égypte, de Syrie, d'Arménie et d'Azerbaïdjan, il charge Y. b. Khālid de l'administration de ces provinces et, en 782, obtient le second rang dans l'ordre de succession. À la mort d'al-Hādī, qui l'humilie et le persécute, Hārūn al-Rashīd monte sur le trône en 786 : il a tout juste vingt ans. Jusqu'en 803, il laisse entièrement l'administration aux mains des Barmakides et ne gouverne réellement qu'à partir de cette date, en s'appuyant sur des eunuques et des mawālī (c'est-à-dire les islamisés).
Grand homme d'État pour certains, il est incapable selon d'autres. Les jugements diffèrent même sur sa piété ou son caractère dissolu. Son règne est marqué par l'instabilité, et les frontières qu'il lègue à ses fils sont identiques à celles dont il a lui-même hérité. De plus, il est à l'origine de l'atomisation et du démembrement de l'empire. Le partage qu'il fait entre ses fils al-Amīn, al-Ma'mūn et al-Mu'tamin préfigure en effet l'émiettement de l'empire et en amorce le déclin. Si, au point de vue économique, son règne voit les activités commerciales des Arabes s'étendre jusqu'en Chine, à Canton, si la magnificence de la cour atteint une splendeur inconnue jusqu'alors et si même le nom de Hārūn al-Rashīd parvient jusqu'au lointain Occident, ce règne est aussi jalonné par des révoltes, des soulèvements et des émeutes.
La Syrie, berceau des Umayyades, reste favorable à ceux-ci et se dresse continuellement contre Baghdād, jusqu'à l'arrivée d'al-Fadl al-Barmakī (796) qui arrive à pacifier le pays et à réconcilier les deux factions rivales yéménite et mudarite de l'armée. En Égypte, les impositions écrasantes qui servent à entretenir l'armée d'Ifrīkyya (actuelle Tunisie) conduite par Harthama ben A‘yan, ajoutées à une mauvaise administration, conduisent en 788 et surtout 794-795 à des soulèvements d'une grande ampleur. L'Ifrīkyya, province frontière, est aussi constamment agitée par des troubles. H. b. A‘yan en confie l'administration (797) à Ibrāhīm ben al-Aghlab, contre le paiement annuel d'une somme fabuleuse. Al-Aghlab fonde sa propre dynastie en 800, ce qui accélère l'émiettement de l'empire. L'Espagne était depuis 755 sous le joug umayyade et le Maghreb sous le joug des Idrīsides depuis 788.
Les mêmes causes de troubles se retrouvent en Orient, aggravées par le mécontentement des classes sociales les moins favorisées dont la situation ne s'est guère améliorée avec l'arrivée des ‘Abbāsides. Ceux-ci doivent d'ailleurs tenir compte de l'attachement parfois puissant de ces populations à leurs anciennes traditions et croyances. Des soulèvements « hérétiques » comme ceux des ‘Alides et des Khāridjites éclatent dans les plateaux iraniens de 792 à 795. C'est pour combattre le soulèvement conduit par Rafi al-Layth au Khurāsān en 806 qu'al-Rashīd prend lui-même la tête d'une armée irakienne. Saisi de malaises, il fait halte à Tūs et y meurt au moment même où un autre soulèvement éclate à Iṣfahān.
La politique[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Philippe OUANNÈS : professeur associé à l'université de Paris-VIII
Classification
Média
Autres références
-
BARMAKIDES ou BARMÉCIDES LES
- Écrit par Philippe OUANNÈS
- 832 mots
- 1 média
Famille de hauts fonctionnaires dont plusieurs membres occupèrent des postes importants sous les premiers califes ‘abbāsides de Baghdād, puis en devinrent les vizirs et les « maires du palais ».
Leur nom, al-Barāmika, ne vient pas de celui d'un ancêtre éponyme, Barmak, mais de celui d'un titre...
-
TALAS (BATAILLE DU)
- Écrit par Véronique SCHILTZ
- 892 mots
- 1 média
La bataille du Talas vit s'affronter en 751 au cœur de l'Asie centrale les Chinois et les Arabes qui en furent les vainqueurs. Trop souvent méconnue des chronologies occidentales, elle est pourtant d'une importance considérable, tant par ses conséquences sur le devenir politique du continent...