HARUNOBU SUZUKI (1725 env.-1770)
Le phénomène Harunobu
Les premières œuvres ne permettent pas d'entrevoir dans l'artiste mal affirmé le maître génial, au style si mûr et si personnel, qu'il sera dès 1765, avec l'apparition du nishiki-e.
Rompant d'avec la tradition réaliste, il crée un univers où les actes les plus banals et les sentiments les plus terribles s'épurent dans un monde de rêve. Quel que soit le sujet traité, tout est transposé au-delà du réel, dans une atmosphère poétique que l'on ne retrouve à aucun autre moment de l'histoire de l'estampe.
Écartant toute sensualité, il chante une femme idéalisée, éthérée, au visage jeune et inexpressif, au col de cygne, au corps svelte, aux attaches trop fines, aux mains et aux pieds trop petits. Femme de haut lignage, courtisanes ou servantes, toutes répondent à ce nouveau canon.
Différent en cela aussi de ses prédécesseurs, Harunobu attache une grande importance au cadre de l'action. Le lieu, l'heure et la saison sont décrits avec précision, tandis que des annotations subtiles en traduisent les changements imperceptibles. Loin de traduire une préoccupation de réalisme, ces fonds construits et détaillés renforcent l'impression de rêve voulue par l'artiste.
Le contenu littéraire que Harunobu donne à son œuvre frappe davantage encore. La plupart de ses estampes, lorsqu'elles ne sont pas des allégories poétiques, sont agrémentées d'un poème tiré d'anthologies classiques, des xiiie et xive siècles. Penchant d'un romantique pour la littérature, disposition d'esprit commune à tous les esthètes de son temps, ou préoccupation, consciente ou non, de donner une tradition classique à l'art populaire de l'estampe ?
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Écrit par
- Chantal KOZYREFF : conservatrice des collections Japon, Chine et Corée aux Musées royaux d'art et d'histoire, Bruxelles, gestionnaire des musées d'Extrême-Orient
Classification
Média
Autres références
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JAPON (Arts et culture) - Les arts
- Écrit par François BERTHIER , François CHASLIN , Encyclopædia Universalis , Nicolas FIÉVÉ , Anne GOSSOT , Chantal KOZYREFF , Hervé LE GOFF , Françoise LEVAILLANT , Daisy LION-GOLDSCHMIDT , Shiori NAKAMA et Madeleine PAUL-DAVID
- 56 170 mots
- 35 médias
...Kaigetsudō Ando (actif de 1700 à 1714) et ses élèves. Puis les formes s'amenuisèrent très lentement pour aboutir dans les années 1760 chez Suzuki Harunobu (1725-1770) à une image de fragilité extrême. Mais le réalisme reprit très vite ses droits et trouva son classicisme dans les années 1780...