HASKALA
Dérivé de l'hébreu sekhel (« raison » ou « intellect »), le terme Haskala désigne un mouvement social et culturel dans le judaïsme d'Europe centrale et orientale, à la fin du xviiie et au xixe siècle. Bien qu'inspiré de la philosophie des Lumières, ses racines, son caractère propre et son développement sont éminemment juifs. Lorsque le mouvement commença, les juifs vivaient dans les conditions socio-géographiques du ghetto et restaient soumis au régime de la ségrégation et à une législation discriminatoire. Dans certaines villes, à Berlin notamment, puis en Europe orientale, quelques « juifs itinérants » (surtout des marchands) et des « juifs de cour » (au service de souverains et de princes), dont le contact avec la civilisation européenne avait aiguisé le désir de s'intégrer à la société globale, se décidèrent à entreprendre de changer cette situation.
Au début, les partisans de l'Haskala croyaient pouvoir faire participer les juifs au grand courant culturel européen par une réforme de l'éducation juive traditionnelle et par l'abolition de la vie de ghetto. Cela impliquait l'addition de disciplines profanes aux programmes scolaires, l'adoption de la langue vernaculaire à la place du yiddish, l'abandon du costume du ghetto, la réforme des services de la synagogue et l'engagement dans des professions jusque-là écartées par les juifs, telles que l'artisanat et l'agriculture. Moïse Mendelssohn (1729-1786) exprima symboliquement ce programme en donnant une traduction allemande de la Torah, traduction qui fut cependant imprimée en caractères hébraïques.
Le renouveau de l'écriture hébraïque elle-même fut stimulé par la publication en 1784 du premier périodique juif moderne, entreprise qui représentait une tentative très significative en vue de retrouver le sens de la civilisation juive « classique ». Tout en étant fondamentalement rationaliste, l'Haskala véhiculait des tendances romantiques, telles que le souci d'un retour à la nature, l'estime du travail manuel et une aspiration à faire revivre un passé glorieux. Par là, l'Haskala suscita des valeurs qui, plus tard, se confondirent avec celles du mouvement nationaliste juif, le sionisme.
Dès l'origine, le judaïsme orthodoxe s'opposa à ce mouvement, qui, par son refus du mode de vie traditionnel, menaçait de détruire le tissu serré du judaïsme, de saper l'observance religieuse et finalement de corrompre l'identité juive. Une méfiance particulière se manifestait à l'égard de l'idéologie rationaliste, qui semblait présenter un défi à l'orthodoxie rabbinique et aux études talmudiques dans l'éducation juive. Cependant, l'orthodoxie juive en vint à admettre l'enseignement d'un petit nombre de matières profanes et l'usage de la langue vernaculaire. Ses craintes se trouvèrent néanmoins partiellement justifiées, car, par certains aspects, l'Haskala entraîna l'assimilation et l'affaiblissement de l'identité et de la conscience historique juives.
Le mouvement se développa de manière différente suivant les conditions politiques, sociales et culturelles du pays. En Allemagne, l'hébreu fut rapidement abandonné et l'assimilation se généralisa, mais l'intérêt pour l'histoire juive se trouva stimulé et donna naissance à la « science du judaïsme » (Wissenschaft des Judentums), ouverte aux méthodes modernes de la critique et de l'histoire des idées. En Autriche, le gouvernement, qui encouragea une réforme de l'éducation, rencontra peu de succès dans les grands centres juifs de Galicie ; mais une Haskala spécifiquement hébraïque se développa par la suite, qui devait faire progresser l'érudition et la littérature juives. Les partisans de l'Haskala en vinrent à lutter contre l'enseignement[...]
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