BOULMERKA HASSIBA (1968- )
Athlète algérienne spécialiste du demi-fond, Hassiba Boulmerka connut mille tourments pour mener sa carrière sportive. Championne du monde du 1 500 mètres en 1991 puis en 1995, championne olympique en 1992, elle fut érigée en symbole de l'émancipation de la femme arabe et musulmane dans une Algérie alors en proie à la montée de l'islamisme radical, puis se vit menacée par les fondamentalistes et dut quitter Alger et s'installer en Europe pour pouvoir s'entraîner.
Hassiba Boulmerka est née le 10 juillet 1968 à Constantine, dans un milieu modeste et traditionaliste. Son père est peu désireux de voir Hassiba s'exhiber en short, mais Aboud Labed, un professeur d'éducation physique qui a remarqué les qualités de la fillette et promeut l'épanouissement de la femme musulmane, le convainc de laisser Hassiba participer à des courses athlétiques. En 1986, Hassiba remporte le Championnat panarabe junior de cross-country. Néanmoins, les portes de l'enseignement secondaire lui sont fermées et elle doit se contenter d'un travail de secrétaire, ce qui la contraint à s'entraîner le soir, après ses 8 heures quotidiennes de labeur. Volontaire, elle progresse, quitte Constantine pour s'installer à Alger, où Amar Bouras, un coach compétent, la soumet à une préparation rigoureuse, laquelle lui permet de remporter le 800 mètres et le 1 500 mètres aux Championnats d'Afrique en 1988 puis en 1989.
En 1991, aux Championnats du monde de Tōkyō, elle gagne le 1 500 mètres (4 min 2,21 s), devant deux concurrentes soviétiques médusées par l'irruption de cette jeune femme râblée (1,56 m, 52 kg) sur la scène internationale. De retour dans une Algérie secouée par la montée des courants islamistes, elle se voit fêtée comme une héroïne par des milliers de femmes fières de ce succès. Elle redouble d'efforts pour tenter de conquérir la médaille d'or aux jeux Olympiques de Barcelone en 1992, améliore son record personnel de 7 secondes en une année et atteint son objectif : aux Jeux, à l'issue d'une course maîtrisée, elle place une attaque dans le dernier virage et remporte le 1 500 mètres (3 min 55,30 s), devant la Russe Ludmila Rogatcheva, qui représente la C.E.I. Les musulmanes du monde entier se réjouissent de son triomphe, la reine Noor de Jordanie lui adresse un message de félicitations dans lequel elle indique que son succès est porteur d'espoirs pour l'émancipation de la femme arabe. Hassiba Boulmerka se voit érigée sans le vouloir en porte-étendard à la fois de la cause de la femme arabe et du pouvoir en place à Alger, où Ali Kafi, président du Haut Comité d'État, la reçoit en grande pompe.
L'année suivante, Hassiba Boulmerka obtient la médaille de bronze dans le 1 500 mètres des Championnats du monde de Stuttgart. Mais sa vie bascule : menacée de mort par les intégristes islamistes, elle doit trouver refuge en Europe pour vivre et s'entraîner. Malgré tous ces tourments, elle parvient à remporter le 1 500 mètres des Championnats du monde de Göteborg en 1995 : ce retour au premier plan constitue une victoire sur elle-même et contre l'obscurantisme. Désignée porte-drapeau de la délégation algérienne aux jeux Olympiques d'Atlanta en 1996, Hassiba Boulmerka connaît cette fois l'échec : elle trébuche et se voit éliminée en demi-finale du 1 500 mètres.
Usée par les combats qui s'ajoutent aux astreintes de l'entraînement, Hassiba Boulmerka met un terme à sa carrière en 1997. En 1999, elle est élue à la commission des athlètes du Comité international olympique (C.I.O.). À ce poste, elle demande notamment que le C.I.O. fasse pression sur des pays comme le Pakistan ou le Mexique, car elle estime que les femmes y font l'objet d'une discrimination dans le sport.
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Écrit par
- Pierre LAGRUE : historien du sport, membre de l'Association des écrivains sportifs
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