HAUSSE DU NIVEAU DE LA MER IL Y A 14 650 ANS
Au cours de la dernière déglaciation, qui a débuté il y a 21 000 ans, le niveau marin a monté de près de 120 à 130 mètres, pour se stabiliser à son niveau actuel il y a 6 000 ans. Les calottes laurentide et fennoscandinave, qui recouvraient l'Amérique et l'Europe du Nord au cours du dernier maximum glaciaire, ont ainsi disparu en presque 15 000 ans.
La hausse du niveau marin pendant cette période n'a pas été constante mais a été ponctuée par des accélérations rapides associées à des débâcles massives des calottes de glace. La plus importante de ces accélérations, que les paléoclimatologues nomment Melt-Water Pulse 1A (MWP-1A), restait par bien des aspects (amplitude, chronologie) énigmatique. En s'appuyant sur l'étude de coraux prélevés au large de Tahiti dans le cadre d'une expédition internationale organisée par le programme international IODP (Integrated Ocean Drilling Program) et cofinancé par l'I.N.S.U.-C.N.R.S. (Institut national des sciences de l'Univers), une équipe du CEREGE (Centre européen de recherche et d'enseignement en géosciences de l'environnement, université Aix-Marseille, C.N.R.S., I.R.D., Collège de France) a pu lever le voile sur cet événement climatique, sans aucun doute un des plus marquants des derniers 20 000 ans (Deschamps et al., Nature, 2012).
En datant précisément à l'aide de la méthode uranium-thorium des coraux dits hermatypiques, organismes qui vivent exclusivement dans les eaux tropicales, à très faible profondeur, les chercheurs ont pu reconstituer la courbe des variations du niveau marin à Tahiti sur les derniers 16 000 ans (figure) et préciser l'amplitude et la durée de la MWP-1A. Celle-ci a débuté il y a 14 650 ans et coïncide avec le début de la première période chaude, dite du Bølling, qui marqua la fin de la dernière glaciation dans l'hémisphère Nord. Au cours de cet épisode, la hausse du niveau marin aurait été de presque 16 mètres en moins de 350 ans. La vitesse de la remontée du niveau marin aurait donc atteint au minimum 40 mm/an, vitesse qu'il faut comparer au taux moyen de 10 mm/an estimé pour la dernière déglaciation ou au 3 mm/an observés aujourd'hui. En s'appuyant sur des simulations de modèles géophysiques, il a pu être établi que la calotte antarctique avait contribué très significativement au MWP-1A, apportant un nouvel éclairage sur les relations complexes entre climat global, circulation océanique et niveau marin, et sur le rôle que ce flux catastrophique d'eau douce à l'océan a pu jouer sur la fin de la déglaciation.
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Écrit par
- Pierre DESCHAMPS : docteur, chargé de recherche à l'Institut de recherche pour le développement
Classification
Média