BIALIK HAYIM NAHMANE (1873-1934)
Le retour vers la terre des ancêtres
Pour Bialik, le sionisme était à la fois un retour au passé et une révolution, une continuité et une rupture ; une possibilité de faire fructifier un héritage de trois mille ans en l'implantant sur le sol, en lui rendant son cadre matériel pour le protéger tant du dépérissement spirituel que des massacres. C'est aussi le retour à la dignité humaine ; le judaïsme, chez Bialik, n'était pas une superstructure idéologique ; il était à la base de toutes ses réactions d'homme, il conditionnait l'amour, la foi, l'espoir ; il en va ainsi jusqu'au style du poète qu'il est difficile d'apparenter à celui d'un courant ou d'une école, mais où la présence des sources juives est évidente. Il est certainement un poète « engagé » ; cependant, son engagement n'est le fruit d'aucune thèse préconçue, mais simplement celui de la condition juive qui, pour Bialik, n'est que sa condition humaine.
C'est ainsi qu'aux sentiments de l'humiliation et de la révolte succèdent les rêves de la délivrance. Esprit critique et lucide, Bialik n'est pas sûr que sa propre époque, celle de la « génération du désert », soit capable de réaliser l'union nationale et le retour vers la terre des ancêtres. « Je vous ai revus dans votre impuissance ! » s'écrie le poète face aux différends qui opposent les fractions juives remplaçant parfois l'action salutaire par une joute oratoire. Pour Bialik, les divergences d'opinions, les intérêts des classes sociales, les oppositions entre la conception « sacrée » ou « profane » du judaïsme doivent disparaître devant l'action immédiate : le retour à Sion. Dans certains de ses poèmes perce une amère ironie ; d'autres, tels la « Bénédiction du peuple », devenu un second hymne national d'Israël, ou « Aux serviteurs du peuple », constituent des appels pathétiques à la renaissance.
Mais c'est dans le grand poème « Les Morts du désert » que Bialik accède aux sommets de son art. C'est d'abord l'image d'un désert figé, brûlé par le soleil, gardant jalousement les secrets des cités anciennes ensevelies sous le sable. Des mouvements fragmentaires, l'aigle qui plane dans le ciel, le serpent glissant sur le sable, le lion qui rugit dans la nuit, accentuent encore son inertie, « ... et le silence revint, et les héros dormirent immobiles ». Les héros, c'est l'espoir du poète, le génie d'Israël qui attend un grand orage pour ressusciter : « La dernière génération pour l'esclavage, la première de la délivrance. » L'orage passé, ils disparaissent, s'incarnent en une légende transmise de bouche à oreille par de vieux Arabes dans le désert ; le poète y croit, et il attend le miracle.
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Écrit par
- Abraham GOLEK : professeur au lycée universitaire de Jérusalem
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