BERLIOZ HECTOR (1803-1869)
Berlioz et la monarchie de Juillet
Le retour de Rome est également marqué par le mariage de Berlioz avec Harriet Smithson, le 3 octobre 1833. Leur fils Louis naît le 14 août 1834. Il s’agit maintenant pour le compositeur de s’affirmer de nouveau dans la vie artistique et musicale parisienne. Il fréquente alors les milieux proches du pouvoir orléaniste – notamment la famille Bertin – et obtient en 1835 un feuilleton régulier au Journal des débats. Les débuts de sa longue carrière dans la presse datent de 1923 : il quittera sa fonction de journaliste en 1863, après avoir écrit quelque 900 feuilletons (que l’édition de la Critique musicale devrait achever de publier en 2020). Comme il l’a lui-même expliqué, le métier de critique de Berlioz lui permit notamment de s’armer contre les « haines furieuses et presque innombrables » qui se déchaînèrent contre sa musique.
L’affirmation de la carrière de compositeur passe alors par la composition d’une œuvre lyrique. Dès 1836, Berlioz a entamé la composition d’un opéra, Benvenuto Cellini, dont Auguste Barbier et Léon de Wailly ont écrit le livret. Achevé à la fin de l’année, l’opéra ne sera présenté sur la scène de l’Académie royale de musique qu’en septembre 1838. Berlioz connaît un grave échec, dû à de multiples facteurs, comme le niveau de langage du livret décalé par rapport à ce que l’on attendait sur la scène de ce théâtre ou les difficultés techniques insurmontables de la partie du ténor pour le chanteur Gilbert Duprez, chargé de chanter Benvenuto. Un échec décisif pour l’avenir de sa carrière en France et sa présence à l’Opéra.
Avant cette cuisante déconvenue, Berlioz, en 1837, avait élaboré une autre œuvre, le Requiem. D’abord commandée au compositeur par le ministère de l’Intérieur – ce qui montre la place qu’a prise Berlioz dans la vie artistique parisienne auprès du pouvoir politique – en mémoire des victimes de la révolution de Juillet et de la disparition du général Mortier lors de l’attentat de Fieschi, elle est finalement donnée aux Invalides le 5 décembre 1837 pour célébrer les obsèques du général Damrémont, tombé au siège de Constantine. Composée en quelques mois pendant l’été de 1837, elle obtient un succès qui place d’emblée Berlioz au premier rang des compositeurs de musique religieuse. Avec plus de cinq cents exécutants, le Requiem est une œuvre qu’on a pu qualifier de théâtrale. Elle tire un parti musical de l’architecture des Invalides – le musicien utilise quatre orchestres de cuivres répartis autour de l’orchestre principal – et manie les contrastes expressifs, allant du monumental à l’intime. Une autre œuvre marque, au début de 1840, la place de Berlioz au sein d’un cercle officiel sous le régime orléaniste : La Symphonie funèbre et triomphale lui a été commandée par l’État pour célébrer le dixième anniversaire de la révolution de Juillet et le transfert des cendres des héros de 1830 sous la colonne de la Bastille. La symphonie, de caractère monumental, est écrite pour grand orchestre militaire (200 instrumentistes à vent en 1840) et sera jouée en plein air lors d’un défilé dans les rues de Paris. L’Oraison funèbre centrale est empruntée aux Francs-Juges. En 1846, Berlioz produira encore une œuvre « officielle », qui répondra à une commande de la ville de Lille pour célébrer l’ouverture de la ligne Bruxelles-Paris : Le Chant des chemins de fer est donné à Lille, le 14 juin.
Entre 1829 et 1839, Berlioz est également très actif dans l’organisation de concerts, tant en France qu’à l’étranger. En 1835, il a entrepris de diriger lui-même ses propres œuvres. Comme l’a montré D. Kern Holoman et selon les témoignages de l’époque des premières exécutions de Roméo et Juliette en 1839, il est devenu un excellent chef d’orchestre. Son Grand[...]
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Écrit par
- Cécile REYNAUD : directrice d'études, École pratique des hautes études
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Médias
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