BIANCIOTTI HECTOR (1930-2012)
Hector Bianciotti naît le 18 mars 1930 de parents paysans piémontais installés dans la Pampa, à Calchin Oeste, près de Cordoba, au nord-ouest de Buenos Aires. Alors que père et mère parlent le piémontais entre eux, l'espagnol est la langue imposée aux sept enfants. Sensible à la valeur intuitive des mots, le jeune garçon découvre tôt le français grâce à la poésie de Paul Valéry. Le monde agricole ne lui convient pas. Il quitte bientôt les siens pour le séminaire franciscain de Moreno, dont il va se détourner, incertain de sa vocation. L'apprenti de Dieu découvre en même temps l'absolu d'une passion pour un ami séminariste qui le marquera profondément. Il oubliera son nom après que celui-ci eut décidé leur séparation afin de poursuivre sa formation religieuse à Buenos Aires. Pour René de Ceccaty, cette passion sensuelle initiatique inspire la mélancolie de l'œuvre, présente jusque dans son dernier ouvrage : « Il est terriblement difficile de ne pas se perdre soi-même et, aussi, de renoncer à la vie quand on a éprouvé le plaisir. Mais la vie..., c'est ce qu'on voit dans les yeux des autres, et c'est tout » (La Nostalgie de la Maison de Dieu, 2003). Le seul amour qui dure serait celui qui n'a aucune chance d'aboutir, celui que l'on désire en pure perte. Cette interrogation existentielle travaille une écriture dont la part belle est la solitude et la mélancolie, c'est-à-dire l'épreuve d'une distance entre soi et le monde.
Pour évoquer l'ailleurs, Bianciotti va recourir à un imaginaire aux descriptions précises, rehaussée de comparaisons et de métaphores flamboyantes, qu'une tendance à l'abstraction et à la réflexion tempère. À travers sa trilogie autobiographique, Ce que la nuit raconte au jour (1992), Le Pas si lent de l'amour (1995) et Comme la trace de l'oiseau dans l'air (1999), il raconte une destinée brinquebalée au rythme des rencontres de fortune, en quête d'amitiés excentriques. La tendresse renaît dans l'oubli des souffrances passées, sans que disparaisse la nostalgie pour la mémoire de la mère laissée derrière soi. Le romancier relate aussi les relents âcres de la dictature argentine, celle de Peron et d'Eva Duarte, les violences endurées au cours d'une jeunesse rude, exposée aux dangers de la ville pour le jeune Argentin en exil. À son arrivée en Europe en 1955, il erre dans les rues de Naples, puis de Rome et de Madrid, dans l'Espagne de Franco. À Paris à partir de février 1961, il devient peu à peu critique littéraire à La Quinzaine littéraire, au Nouvel Observateur puis au Monde. Il fera également partie du comité de lecture de Gallimard, puis de Grasset. Il est naturalisé français en 1981. En 1985 paraît son premier roman en français, Sans la miséricorde du Christ, prix Femina, qui fait suite à une œuvre écrite en espagnol, comme Celle qui voyage la nuit (1969), Le Traité des saisons (1977), prix Médicis étranger, L'amour n'est pas aimé (1983), prix du Meilleur livre étranger. Le 18 janvier 1996, il est élu à l'Académie française.
Toute littérature est autobiographique, selon Jorge Luis Borges : « Tout ce qui fait état d'un destin et nous le fait voir est poétique, qu'il s'agisse d'œuvres personnelles (Montaigne, De Quincey, Whitman) ou de fictions romanesques » (Une passion en toutes lettres, 2001). Dans ce recueil d'essais critiques sur Cervantès, Conrad, Pirandello, Pessoa, Pasolini, une place est faite également au style d'Hervé Guibert. Son souci d'« avoir le courage de soi, de se dire, de se montrer et de laisser couler tous les secrets » provoque l'admiration de celui qui fut son ami. L'aventure existentielle s'inscrit décidément du côté de la culture et de la littérature, non plus dans le voyage et la rencontre. Ainsi, la musique[...]
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Écrit par
- Véronique HOTTE : critique de théâtre
Classification
Média