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KADDOUR HÉDI (1945- )

Hédi Kaddour - crédits : Ulf Andersen/ Aurimages

Hédi Kaddour

Né en 1945 à Tunis d’une mère pied-noir et d’un père tunisien, Hédi Kaddour est un écrivain français aux multiples parcours. Major de l’agrégation de lettres modernes, il a enseigné comme coopérant au Maroc avant de rejoindre l’École normale supérieure de Lyon. Il poursuit l’enseignement des lettres à la New York University en France, et les notes et croquis rassemblés dans Les Pierres qui montent (2010) permettent de suivre l’élaboration de ses cours sur Gide, Céline ou Malraux. Hédi Kaddour donne également des cours d’écriture du reportage au Centre de formation des journalistes. Il y enseigne des règles d’écriture – brièveté et pertinence – dont on trouvera de nombreux échos dans ses œuvres. Parmi ses modèles, Colette se distingue : elle donne à voir, à sentir, elle n’est jamais prévisible.

Le passage au roman

Hédi Kaddour a suivi le chemin qui mène du poème au roman. Il a d’abord été publié par La Nouvelle Revue française et la revue Po&sie dont il est devenu par la suite le rédacteur en chef adjoint. On notera, parmi ses recueils, La Fin des vendanges (1989) ou Jamais une ombre simple (1994). La poésie est pour lui un « extraordinaire laboratoire du langage ».

En 1997, il entreprend d’écrire un « gros roman ». Couronné par le prix Goncourt du premier roman, Waltenberg paraît en 2005. De fait, les 711 pages de cette somme romanesque contiennent tout ce qui fait la force d’un univers, et sont porteuses d’une vision précise de l’art du roman.

« Drainage, tissage, montage », écrit le romancier. Il faut collecter l’information qu’il s’agisse de presse ou de textes de fiction, proposer différentes voix narratives, et monter, à la façon d’un cinéaste qui joue avec le temps et l’espace. Sans suivre un fil chronologique, Waltenberg présente différents personnages dont on suit le parcours entre 1914 et 1991, sur divers continents, même si l’Europe reste la scène principale. Cette construction suscite des attentes, relance la lecture et rappelle que certains événements gagnent à être éclairés de façon progressive, fragmentaire. « Un texte peut avoir la force de ce qu’on lui a ôté », écrit le romancier, reprenant Adorno.

Waltenberg, la cosmopolite et imaginaire station de sports d’hiver du roman, rappelle Davos et les rencontres qui s’y sont produites entre les deux guerres mondiales, en particulier celle lors de laquelle Martin Heidegger et Ernst Cassirer (Merken et Regel dans le roman) se sont affrontés. Roman d’idées à la manière de La Montagne magique de Thomas Mann, Waltenberg est aussi un roman d’espionnage et d’aventures, à la façon de John Le Carré. Plutôt que de choisir entre ces deux modèles, Hédi Kaddour les a liés, montrant que la vie des idées comme celle des hommes n’est pas sans suspense.

Waltenberg nous plonge dans l’histoire d’un siècle intense et violent. Le roman commence par une charge des dragons français contre l’aviation en septembre 1914. Il s’achève avec l’effondrement du bloc communiste qu’incarne Michaël Lilstein, maître-espion est-allemand. C’est aussi le roman d’une amitié entre Max Goffard, grand reporter, et Hans Kappler, écrivain lui-même amoureux de la cantatrice Lena Hellström. Cette opposition entre les deux figures d’apparence antithétique fait écho à d’autres oppositions ou complémentarités qu’on trouvera tout au long du roman. La composition de Waltenbergpermet de dire et de cacher, de jouer de l’ellipse comme de grossir la scène.

Waltenberg exprime sa confiance dans les pouvoirs traditionnels du grand roman européen. Kaddour rejette avec vigueur l’usage du « je » très personnel en particulier dans l’autofiction. Ce rejet est le pendant d’un autre, celui de l’éditorial en matière de journalisme. On en trouvera l’écho dans Inventer sa phrase (2007), manuel destiné aux apprentis journalistes. Donner[...]

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Média

Hédi Kaddour - crédits : Ulf Andersen/ Aurimages

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